Interdit d’interdire ?

Publié le 2 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

L’interdiction faite à l’humoriste Dieudonné de présenter à l’Olympia son spectacle paraît décidément des plus malheureuse. C’est une situation que recherche toujours un Le Pen et qu’il vient d’ailleurs d’obtenir. Au lieu de contraindre l’intéressé à une autocritique, elle lui permet une autodéfense. Au lieu de le mettre à l’index, elle le porte au pinacle. Le débat cesse soudain de porter sur le caractère infamant du sketch pronazi d’un simple chansonnier pour se transférer sur la légitimité de la sanction dont il est victime. Tout cela empêche une vraie réflexion sur les raisons qui conduisent un Dieudonné à ces piteuses dérives, mais aussi sur les raisons que nous avons de nous en indigner aujourd’hui plus qu’hier.

L’antisémitisme actuel, dans ses résurgences menaçantes, ne se confond pas avec celui des années 1930. Si nombre de juifs peuvent ressentir la même détresse qu’alors, leurs ennemis ont totalement changé. Et c’est un fait irrécusable que la tragédie israélo-palestinienne est l’une des principales causes du réveil d’un antisémitisme rampant.
Mais, à ce sujet, il faut en finir avec l’idée que les Français juifs et les juifs de France manifestent une solidarité inconditionnelle à l’égard de n’importe quel gouvernement d’Israël. Ces derniers mois, en fait ces deux dernières années, des hommes comme Théo Klein, Stéphane Hessel, Alfred Grosser, Pierre Vidal-Naquet, Edgar Morin, ainsi que nombre de grands universitaires et d’artistes connus, ont livré le même combat que le nôtre et devraient être jugés au moins aussi représentatifs que les instances officielles du grand rabbinat et du Crif. Dira-t-on que ce sont des vétérans ? Mais les cadets (philosophes) ont tous approuvé l’initiative de Genève et les benjamins (étudiants)
se déclarent « sionistes propalestiniens ». Si l’on ajoute à cela les pétitions des élites en faveur des deux États, palestinien et israélien, on devrait donner acte aux communautés ou sociétés juives de la diversité et de l’indépendance de leurs membres.
Nous voulons croire que des hommes comme José Bové, Pascal Boniface et Robert Ménard voudront être les tout premiers à se réjouir d’un constat si rassérénant. Autrement dit, si les nauséabondes allusions d’un Ramadan ou d’un Dieudonné n’avaient d’évidence pas d’excuse, elles n’ont aujourd’hui même plus de prétexte.

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Peut-on désapprouver l’interdit dont Dieudonné a été l’objet et approuver celui qui concerne le port du voile à l’école ? Oui, on le peut et même on le doit. D’autant qu’une véritable campagne contre la loi sur le voile se déchaîne de manière rétroactive et stratégique. On prétend voir la main invisible du capitalisme derrière les préoccupations sécuritaires et intégrationnistes qui ont conduit à l’interdiction du voile. Ennemis du port du voile à l’école dans un contexte où l’on ne pouvait exclure sa signification
séparatiste et prosélyte, nous avons cependant toujours admis que l’on pût discuter de l’opportunité de légiférer pour l’interdire. Mais à partir du moment où le débat s’instaurait et où l’État se prononçait en faveur de la loi, nous avons été d’avis, et nous le sommes restés, qu’il y avait bien plus de danger à reculer qu’à poursuivre. Reculer, c’était tout simplement encourager à porter le voile, culpabiliser celles qui ne le portaient pas et laisser penser que l’État pourrait céder sur d’autres revendications obscurantistes.

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