Guerres de la salive et querelles de clocher…

Publié le 3 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Les Comores sont un pays étonnant : près de 750 000 habitants, et presque autant de partis politiques. C’est une image, bien sûr. Mais qui résume bien l’intensité des débats sur l’archipel, débats qui se transforment, plus souvent que de raison, en disputes byzantines et en stériles querelles de clocher. Connues dans l’histoire comme les îles des Sultans batailleurs, elles sont devenues celles des politiciens batailleurs. Les Comores sont instables, personne n’en disconviendra. Mais hier comme aujourd’hui, la plupart des conflits qui ont agité les territoires des anciennes principautés shiraziennes sont restés des « guerres de la salive. » Autrement dit : des joutes sans effusion de sang. Personne ne s’en plaindra. Le pays n’a pas totalement usurpé sa mauvaise réputation : à cause de régimes minés par la corruption et le clientélisme, fragilisés par les ingérences extérieures, il a raté son indépendance et son développement. Cela dit, on peut penser qu’il ne mérite pas complètement les critiques excessives dont il est régulièrement l’objet dans la presse ou dans les salons. Malgré une pauvreté indéniable, ses hommes et ses femmes sont restés honnêtes et solidaires, ouverts et généreux, bref, en un mot comme en cent : dignes.

Les Comores peuvent repartir. La double crise séparatiste et institutionnelle qui a paralysé le pays entre 1997 et 2001 est en voie de règlement. Anjouan est revenue dans le giron de l’Union, ses dirigeants comme ses habitants ont abandonné leurs rêves d’indépendance. Le président Assoumani Azali, arrivé au pouvoir par la force, avait fait le pari du dialogue avec les insurgés : il a gagné. Il a aussi réussi à mener à bien le processus de rénovation des institutions, et transformé l’État unitaire et centralisé en une Union plus respectueuse de la diversité de ses composantes. Lui comme ses opposants, qui détiennent aujourd’hui la présidence de l’île de Ngazidja, la plus riche et la plus peuplée, dont il est également originaire, devront apprendre à cohabiter. Avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, les conflits de compétences qui ont émaillé les dix-huit derniers mois auraient pu être évités. Ils ont causé un tort considérable à l’archipel, notamment sur le plan financier, car ils ont remis en question la coopération avec les bailleurs de fonds étrangers. Et différé l’annulation d’une dette qui prive l’État de marges de manoeuvre. L’accord de Moroni du 20 décembre 2003, parrainé par la communauté internationale, vient de remettre les compteurs à zéro. Égalité, balle au centre. Les élections législatives des îles et de l’Union sont prévues pour mars et avril. Si le scrutin se tient dans les délais et dans la transparence, le pays, à condition que ses politiciens fassent enfin passer l’intérêt général avant leurs intérêts particuliers, pourra peut-être tourner la page des « guerres de la salive ». Et s’inventer enfin un avenir.

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