Europe

Publié le 2 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Y a-t-il un nouvel antisémitisme dans les pays occidentaux ? La question se pose avec suffisamment de gravité des deux côtés de l’Atlantique pour que plusieurs livres aient été publiés, ces derniers mois, aux États-Unis sur le sujet (voir encadré), et pour qu’un
séminaire se soit réuni à Bruxelles le 19 février.
« Le monstre est à nouveau parmi nous », a dénoncé le président du Congrès juif européen, Cobi Benatoff. « Les communautés juives européennes vivent dans la peur », a renchéri le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel. « L’Europe d’aujourd’hui n’est pas celle des années 1930 et 1940, a répondu Romano Prodi, le président de la Commission européenne. Je ne crois pas qu’une forme organisée d’antisémitisme comparable s’y insinue. Nous n’avons pas le droit d’insulter la mémoire des millions de victimes de la Shoah en comparant leurs souffrances aux manifestations actuelles, quelle qu’en soit l’indéniable gravité. »
La Commission a décidé de créer un groupe de travail pour suivre l’évolution de l’antisémitisme et propose d’adopter une « décision cadre » contre le racisme et la xénophobie.
Mais le ministre israélien chargé des affaires de la diaspora, Nathan Chtcharansky, a soulevé à Bruxelles le problème de ce qui fait, en réalité, le fond du débat : l’anti-israélisme. « Quand sous le couvert de la critique légitime, a-t-il affirmé, on parle
d’Israël comme d’un nouvel État nazi, on fait de la diabolisation des juifs. » Benatoff et Edgar Bronfman, président du Congrès juif mondial, ne pensent pas autrement.
La critique d’Israël et de la politique menée par les successeurs d’Itzhak Rabin, assassiné en novembre 1995, est-elle une extension de l’antisémitisme ? La question divise tout particulièrement la communauté juive en France, le pays d’Europe où il y a à la fois le plus grand nombre de juifs (600 000) et de musulmans (6 millions). Cet état de choses est compliqué par « l’échec de la fameuse intégration à la française », selon la formule de Michel Wieviorka dans Le Figaro. La désespérance des jeunes issus de l’immigration arabo-musulmane et plus ou moins enfermés dans les quartiers difficiles les incite à s’identifier aux Palestiniens ghettoïsés par les forces israéliennes. D’où une multiplication des actes antisémites. Le ministre de l’Intérieur a comptabilisé 195 actions et 737 menaces en 2002, et 125 actions et 463 menaces en 2003.
Le gouvernement israélien ne s’est pas privé de dénoncer cette « montée de l’antisémitisme » en France et invite les juifs français à se réfugier en Israël. Sans trop les convaincre : l’émigration des Français en Israël a baissé de 2 400 en 2002 à 2 000 en 2003.
Les dirigeants français, en tout cas, affichent leur détermination à lutter contre les actes antisémites. Après le président de la République, Jacques Chirac, qui, en novembre 2003, condamnait « solennellement au nom de la nation tout acte d’antisémitisme », le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, déclarait, le 31 janvier 2004, au dîner du Conseil
représentatif des institutions juives de France (Crif) : « Je dis aux juifs de France : N’ayez pas peur ! Vous pouvez avoir confiance en la France parce que vous êtes la France. »
Chirac a obtenu un quitus du président israélien Moshe Katzav, qui, au terme de sa visite d’État en France, à la mi-février (une première depuis 1988), a déclaré au Figaro : « Il y a des manifestations d’antisémitisme en France, mais la France n’est pas antisémite. Et je suis sorti de l’Élysée persuadé que Jacques Chirac est farouchement déterminé à combattre toute dérive dont les juifs pourraient être victimes. Votre président a la même opinion que moi. »
Cela n’empêche pas certains membres de la communauté juive, comme André Nahum, de Radio
judaïque FM, de « redouter le pire ». Ou le politologue Pierre-André Taguieff de dénoncer, dans un livre paru à l’été 2002, « une vague de judéophobie qui n’a pas de précédent dans la période post-nazie ». Elle « se fonde sur un amalgame polémique entre juifs, Israéliens et sionistes, fantasmés comme les représentants d’une puissance maléfique. Pour les nouveaux antijuifs, tous les malheurs du monde s’expliquent par l’existence d’Israël ».

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