Epiphane Zoro Bi-Ballo

Ancien magistrat ivoirien

Publié le 3 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Epiphane Zoro Bi-Ballo n’a pas eu le temps de faire la promotion de son livre-témoignage Juge en Côte d’Ivoire. Désarmer la violence, paru à la mi-février chez Karthala. Moins d’une dizaine de jours après la sortie en librairie de l’ouvrage, il a pris l’avion pour la RD Congo où il doit diriger le projet « Restauration du système judiciaire pénal » à Bunia, dans l’est du pays. Un vaste programme mis en place par l’ONG belge RCN justice et démocratie. La mission occupera au moins six mois celui qui est installé à Bruxelles depuis juin-juillet 2001. Il y est arrivé en provenance de Ouagadougou où il ne devait pourtant séjourner que quelques jours avant de retourner à Abidjan. Il n’en sera rien : à peine arrivé, Zoro est invité par le ministre burkinabè de la Sécurité Djibrill Bassolé à quitter dans les vingt-quatre heures le territoire sans autre explication si ce n’est qu’Émile Boga Doudou, l’homologue ivoirien de Bassolé, s’est ému au téléphone que le Burkina tolère chez lui la présence d’un « élément subversif ».
Le message est clair. C’est le début de l’exil dans la capitale belge, le retour également à la fac, car Zoro, déjà titulaire d’une maîtrise en droit public, se lance dans un DES en droits de l’homme à l’université Saint-Louis de Bruxelles et obtient son diplôme. Et continue de militer en même temps qu’il poursuit à Paris des études de relations internationales qui l’obligent, chaque semaine, à prendre le train et à quitter sa famille qui l’a rejoint.
Zoro, comme la plupart de ses compatriotes ivoiriens appellent l’ex-petit juge de Dimbokro, a été projeté sur le devant de la scène pour avoir signé, le 28 septembre 1999, le certificat de nationalité d’Alassane Ouattara, chef de file du Rassemblement des républicains. Parti pris politique ou pure et simple appréciation juridique du dossier – somme toute techniquement banal – d’un justiciable a priori comme tout le monde ? En tout cas, du jour au lendemain, voici le magistrat au milieu d’une polémique politique et médiatique. Lui qui devait quitter Dimbokro, à la mi-octobre, pour un poste de sous-directeur de l’éducation surveillée – une promotion – apprend qu’il ne bouge plus. Ou plutôt si. Le 5 octobre, il est convoqué à la chancellerie où il retrouve, outre Augustin Kouamé, directeur des affaires civiles et pénales au ministère de la Justice, le président du tribunal de grande instance d’Abidjan, le juge de section de Dimbokro… Ils s’assurent qu’il a bel et bien apposé sa signature sur le document, avant de l’inviter à les accompagner au cabinet du ministre.
Il n’en sort rien. Zoro ne se renie pas et ne propose pas davantage une solution pour retirer à Ouattara son certificat. Une enquête est demandée contre lui par le garde des Sceaux qui donne instruction au procureur de la République de Bouaké d’engager, devant le juge titulaire du tribunal de Dimbokro, une procédure en annulation contre le certificat délivré à Ouattara. Le tout alimente les colonnes des journaux. C’est l’hallali contre Zoro, accusé d’être « sous influence » du chef de file des républicains et de ses affidés. Des rumeurs d’attentat contre lui courent. Des amis lui trouvent une planque avant de l’aider à quitter le pays. Direction Bamako par la route. Nuitamment.
Le 10 novembre, il est dans l’avion pour Paris. La Fédération internationale des droits de l’homme lui avait fait parvenir une invitation à « participer aux préparatifs du 51e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme » pour lui permettre d’avoir un visa pour la France. Il y apprend le coup d’État de Noël 1999 alors qu’il vient de déposer une demande d’asile. Il peut retourner chez lui quarante-cinq jours après avoir foulé le sol français. La Côte d’Ivoire, isolée par les bailleurs de fonds, entre dans une période de transition chaotique, de violences et de désordre. Les semaines se succèdent et se ressemblent avec leurs lots d’exactions et de grenouillages politiques. Tout le monde est en campagne pour la présidentielle d’octobre 2000. Le magistrat veut témoigner. Avec des amis juristes dont Me Ibrahim Doumbia, il lance le 8 octobre 2000 le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) et devient ce qu’il a toujours voulu être : l’avocat des droits de l’homme.
Et le prosélytisme qui a failli faire de lui un pasteur le poursuit dans cette démarche dont il a fini par faire une mission. Juge en Côte d’Ivoire. Désarmer la violence ou la restauration du système judiciaire à Bunia en sont, entre autres, des illustrations.
Comme la création à Abidjan au début de l’année du Centre pour la promotion de la non-violence et de la culture démocratique.

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