Comment sortir de la pauvreté

Cinq pour cent de croissance annuelle : tel est l’objectif des autorités pour entrer dans une dynamique de développement durable.

Publié le 1 mars 2004 Lecture : 4 minutes.

Les Comores font figure de mauvais élève de l’océan Indien. Le revenu par habitant, qui a régressé, y est vingt fois moins élevé qu’à Maurice ou aux Seychelles et dix fois moins qu’à Mayotte, la quatrième île de l’archipel, restée française (mais sous perfusion économique) au moment du controversé référendum d’autodétermination de 1975. Les infrastructures publiques sont peu développées, les liaisons interîles difficiles, et, cerise sur le gâteau, les coupures d’électricité fréquentes, ce qui afflige d’un handicap supplémentaire les rares opérateurs industriels, confrontés également à la cherté des facteurs de production (sauf la main-d’oeuvre). Faiblement doté en ressources naturelles, le pays dépend pour 90 % de ses exportations de cultures de rente, dont il ne maîtrise pas les cours. La diaspora installée en France, à Marseille notamment, où les ressortissants de l’archipel seraient près de 120 000, permet, grâce à d’importants transferts d’argent, de soulager un peu les besoins des parents et cousins restés au pays. Malgré cela, on estime que 54 % des Comoriens vivent en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 450 FC par jour (0,9 euro).
« Nous nous sommes fixé pour objectif de réduire de moitié cette proportion d’ici à 2015, affirme Younoussa Imani, commissaire général au plan et conseiller du chef de l’État. Il faut, pour y arriver, une croissance réelle par habitant de 5 % pendant quinze ans, sachant que la population continuera à s’accroître au rythme annuel de 2,3 %. Le défi est
ambitieux, mais réalisable si l’État arrive à créer un environnement propice à la croissance. » Et pour financer le développement du pays, le gouvernement espère accéder de nouveau à l’initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE) d’ici à la fin de l’année
(voir encadré). Ce serait un ballon d’oxygène pour les autorités, qui doivent rembourser aux bailleurs 4,5 milliards de FC chaque année sur un budget de 15 milliards.
Un Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté, le DSRP, qui vient d’être finalisé par les services de Younoussa Imani, liste les actions prioritaires à mener pour agir sur la croissance et identifie plusieurs grands axes de travail. Première priorité : la mise à niveau des infrastructures de base. Depuis 1999, date de l’arrivée au pouvoir de l’équipe Azali, les investissements publics sont repartis à la hausse : 45 milliards de FC ont été dépensés, soit une moyenne annuelle de 9 milliards de FC, en augmentation
de 50 % par rapport aux exercices antérieurs. Cet argent, provenant essentiellement de dons de pays amis, ne représente qu’une goutte d’eau au regard des besoins, immenses. Il a
toutefois permis de construire des écoles (250), des centres de santé (13), des pistes rurales et des routes. Il a aussi été mis au service de l’environnement, à Mohéli par exemple, où un parc marin a été créé sur le lieu de ponte des tortues géantes. Bilan : une hausse de la fréquentation touristique ainsi qu’une centaine d’emplois nouveaux
Le développement du secteur agroalimentaire, qui emploie 80 % de la population active et contribue pour 40 % à la richesse nationale, constitue également un axe du DSRP. « L’idée
principale est d’industrialiser la pêche, poursuit Imani. Les eaux comoriennes sont parmi les plus poissonneuses du monde, mais ces ressources halieutiques sont insuffisamment exploitées. Nous pourrions arriver à une production de 30 000 tonnes par an, contre 9 000 actuellement. Ce qui engendrerait une augmentation de 12 % du Produit intérieur brut (PIB). »
Autre piste de réflexion privilégiée, la relance du secteur privé. Le taux d’épargne nationale est faible, et l’argent, quand il existe, du fait notamment des transferts de la diaspora, est souvent mal utilisé. Il finance la consommation, par exemple la ruineuse
et somptuaire cérémonie du grand mariage chère aux Grands-Comoriens, au lieu de s’orienter vers l’investissement productif. Mais les coûts de production, exorbitants, à cause du prix de l’énergie, du téléphone ou des denrées importées, rendent assez aléatoires les retours sur investissements. Les efforts de réhabilitation du réseau électrique, qui commencent à porter leurs fruits, devraient se traduire par une baisse du prix du kilowattheure, un des plus chers du monde. Une bonne nouvelle pour les entrepreneurs. De manière générale, l’État doit agir pour renforcer l’attractivité du « site Comores » et créer les conditions d’une venue des investisseurs. Mais il ne peut pas tout. Ainsi, la solution au problème de l’enclavement dépend largement du bon vouloir des compagnies aériennes. La question est sensible.
Consécutive aux troubles sociopolitiques, la suppression de la desserte aérienne assurée par la compagnie Emirates entre l’Afrique du Sud et Dubaï via Moroni a provoqué, par réaction en chaîne, la fermeture du complexe hôtelier Galawa, qui vivait adossé à la clientèle sud-africaine. L’hôtel, en cours de rénovation, devrait rouvrir cette année, et sera confié à un pool de repreneurs comprenant l’homme d’affaires d’origine indienne Amine
Khalfane. L’aboutissement du projet est suspendu à la conclusion des négociations avec
les transporteurs aériens. L’adhésion des Comores à l’Asecna (l’Agence pour la sécurité
de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar), la réhabilitation et l’extension,
financées par la coopération chinoise, de l’aéroport de Hahaya, devraient faciliter le
retour des pavillons étrangers en Grande Comore. Mais un développement équilibré suppose aussi des rotations sur Anjouan et Mohéli. Or les pistes des aéroports de ces deux îles riches en potentialités touristiques ne sont toujours pas aux normes et ne permettent ni aux avions d’atterrir de nuit, ni aux gros-porteurs de se poser
La bonne gouvernance (parachèvement de la transition démocratique, renforcement de l’État de droit, lutte contre la corruption) et l’investissement dans le capital humain complètent le dispositif de réduction de la pauvreté qui a été soumis aux bailleurs de fonds.

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