[Tribune] Les sols, grands oubliés des politiques agricoles

Il est courant d’expliquer les piètres performances de l’agriculture africaine par les faibles doses d’engrais administrées aux terres cultivées. Mais la qualité des sols – souvent très dégradés – est aussi un facteur à prendre en compte.

En Algérie, l’agriculture représente 12% du PIB algérien. © Magharebia/CC/Flickr

En Algérie, l’agriculture représente 12% du PIB algérien. © Magharebia/CC/Flickr

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Publié le 25 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.

Sur tous les continents, à toutes les institutions et à tous les gouvernements, le professeur indien Rattan Lal, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de la « science des sols » et Prix Nobel de la paix 2007 – en tant que membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) –, martèle inlassablement son message : « Le sol est la fondation de toute vie. Il doit être à la base de toute politique agricole digne de ce nom et la première de nos priorités. »

Le 29 juin, au Forum Planet A, à Châlons-en-Champagne (France), celui qui travailla près de vingt ans en Afrique (1969-1987), tout particulièrement au Nigeria pour l’Institut international de l’agriculture tropicale (IIAT), a de nouveau interpellé son auditoire : « Peu importe combien de fertilisants vous administrez à vos terres, peu importe combien vous les irriguez ou combien d’OGM vous y faites pousser, le plus important, la première mesure que vous devez entreprendre, c’est de restaurer les sols dégradés. »

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Cette injonction qui semble des plus rationnelles ne va pas de soi. Tant s’en faut. « Je me répète, c’est vrai, concède Rattan Lal en aparté, mais les gouvernants ne m’entendent pas. Alors je continue. »

>>> À lire – La transformation de notre agriculture doit être menée de manière participative

Un rendement céréalier médiocre

En 1961, le rendement du mil en Afrique était de 0,58 tonne par hectare. En 2016, il était de 0,68 t/ha (+ 17 %). Sur la même période, celui du sorgho n’a guère davantage progressé, de 0,81 t/ha à 0,98 t/ha (+ 21 %). Le maïs fait certes mieux, en cinquante-cinq ans son rendement sur le continent a crû de 85 % (de 1,04 t/ha à 1,93 t/ha).

L'agriculture reste le premier contributeur au PIB burkinabé. Ici à proximité de Bobo Dioulasso. © Javier Mármol/CC/ Flickr

L'agriculture reste le premier contributeur au PIB burkinabé. Ici à proximité de Bobo Dioulasso. © Javier Mármol/CC/ Flickr

Mais si on le compare à l’évolution du rendement des céréales dans le monde sur la période (+ 194 %), la performance reste médiocre, d’autant que sur le continent il partait de plus bas.

Lorsqu’il pleut, l’eau ne pénètre pas et s’évapore. Si vous y mettez des nutriments, aux premières pluies, ils se volatilisent dans l’atmosphère

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« La raison est évidente, juge le désormais professeur de l’université de l’Ohio (États-Unis), les sols africains sont dégradés. Leur concentration en matière organique est très inférieure à ce qu’elle devrait être. Dans des pays comme le Niger, le Sénégal ou le Burkina Faso, elle oscille entre 0,05 et 0,1 % quand les sols les plus adaptés aux cultures ont des taux supérieurs à 2 %. Lorsqu’il pleut, l’eau ne pénètre pas et s’évapore. Si vous y mettez des nutriments, aux premières pluies, ils se volatilisent dans l’atmosphère. »

Politique de long terme

Il est courant pour expliquer les piètres performances de l’agriculture africaine de mettre en exergue les faibles doses d’engrais (environ 15 kg/ha) administrées aux terres cultivées, dix à vingt fois inférieures à ce qui se pratique ailleurs.

Restaurer une terre ne prend pas un ou deux ans mais une à deux générations

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« Mais dans un sol dégradé, leur efficacité est divisée par cinq », rappelle M. Lal. À écouter cet homme plein de bon sens, on a du mal à comprendre pourquoi il n’est pas plus entendu. Lui a une idée : « Restaurer une terre ne prend pas un ou deux ans mais une à deux générations. Je pense que les gouvernants n’aiment rien moins que les politiques de long terme. » Ils ont sans doute trop peur de n’en récolter aucun fruit.

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