[Tribune] Vers la fin de l’opacité sur les prix de transfert en Afrique ?

Il est plus que jamais nécessaire pour les groupes intervenant en Afrique de développer une vision cohérente globale de leurs prix de transfert, expliquent Grégoire de Vogüé, avocat associé, Jean Bernardini, responsable du Desk Afrique, et Jean Zanello, senior manager de Taj.

Tour de l’UBA, United Bank for Africa, la plus grande banque d’Afrique. © Jacob SILBERBERG/PANOS-REA

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@Taj © @Taj

Publié le 27 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.

Au travers de son ambitieux projet Beps (Base Erosion and Profit Shifting – Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices), lancé en 2013, l’OCDE affiche sa volonté de voir les profits taxés. En effet, certaines études tendent à montrer que les modèles actuels d’allocation des profits au sein des groupes multinationaux induiraient un manque à gagner pour les recettes publiques de 100 milliards à 240 milliards de dollars par an, soit entre 4 % et 10 % des recettes issues de l’impôt sur les sociétés dans le monde.

Cette situation pénaliserait particulièrement certains pays africains. Ainsi, en RD Congo, le ratio impôts sur PIB est de 10,8 %. Il est de 16,4 % au Cameroun et de 17,6 % en Côte d’Ivoire, contre 34,3 % en moyenne au sein de l’OCDE.

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Cela se traduit par une demande accrue de transparence des groupes multinationaux en matière de prix de transfert, avec le renforcement des obligations documentaires permettant de mieux analyser les transactions intragroupes, les fonctions, risques et éléments de création de valeur au sein des groupes, et la mise en place d’une déclaration pays par pays (CbCR) qui donne une vision synthétique de l’implantation et de l’activité de toutes les entités du groupe.

Une vingtaine de pays d’Afrique ont affirmé leur volonté de mettre en œuvre les mesures Beps et de renforcer leurs outils de lutte contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices.

Ainsi, en Algérie, l’obligation de dépôt de la documentation vient d’être élargie à l’ensemble des contribuables et non plus uniquement aux grandes entreprises, et l’amende pour défaut de présentation de la documentation a été multipliée par quatre (2 millions de dinars algériens, soit environ 15 000 euros). Au Cameroun, le dépôt de la documentation doit s’effectuer avant le 15 mars, et la sanction prévue en cas de non-transmission a été rehaussée (les pénalités peuvent désormais aller jusqu’à 50 millions de F CFA, soit environ 75 000 euros).

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Une obligation de dépôt d’un formulaire a été mise en place au Congo, en Côte d’Ivoire, au Mali, en Mauritanie et en RD Congo. Dans certaines juridictions, comme la Côte d’Ivoire, les sanctions prévues pour l’absence de dépôt peuvent aller jusqu’à la non-déductibilité de l’ensemble des charges intragroupe. La déclaration pays par pays préconisée par l’Ocde a d’ores et déjà été instaurée en Afrique du Sud, en Côte d’Ivoire, au Gabon, en Mauritanie et au Nigeria.

Pour le moment, les redressements fiscaux en matière de prix de transfert ne se sont pas encore multipliés. La plupart des administrations fiscales africaines focalisent leurs investigations sur les questions de retenues à la source, de limitation de la déductibilité des frais d’assistance technique et de limitation de la déductibilité des intérêts qui sont les plus simples à notifier.

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Il est néanmoins certain que les administrations fiscales s’empareront progressivement des informations supplémentaires mises à leur disposition. En amont, les administrations seront à même de réaliser une meilleure sélection des entreprises à contrôler.

Et, au cours des vérifications de comptabilité, l’augmentation des ressources dédiées, la formation continue des inspecteurs et l’adjonction d’experts internationaux se traduiront par des investigations plus poussées dès lors que certains schémas sont utilisés ou que certains pays fiscalement attractifs sont présents dans la chaîne de transactions intragroupe.

Il est donc plus que jamais nécessaire pour les groupes intervenant en Afrique de développer une vision cohérente globale de leurs prix de transfert, démontrant la conformité de leur répartition des profits (ou des pertes) avec la réalité économique et le principe de pleine concurrence (le prix facturé au sein d’un même groupe doit être le même que celui qui aurait été pratiqué entre deux sociétés indépendantes). Un nombre croissant de multinationales l’ont compris et ont d’ores et déjà lancé des projets pour faire face au renforcement des obligations concernant les prix de transfert sur le continent.

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