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Fini l’exil, les bacheliers ont dorénavant leur université.

Publié le 1 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Poursuivre ses études supérieures aux Comores ? Jusqu’en octobre 2003, c’était tout simplement impossible. Et les quelque 1 200 bacheliers que produisait annuellement le pays étaient obligés de partir à l’étranger pour effectuer leur cursus universitaire. « Avant, il y avait des bourses, offertes par la France, par les pays du Maghreb ou du Golfe, et il était plus facile de voyager, raconte Damir Ben Ali, anthropologue et directeur de l’université des Comores. Les étudiants s’en sortaient à peu près, même s’ils avaient des parcours un peu pittoresques, avec des formations entamées dans un pays et terminées dans un autre, et parfois dans une autre langue, selon les occasions qui se présentaient. Mais depuis quelques années, les choses se sont compliquées. Les frontières sont devenues hermétiques et les bourses très ciblées. Le choix se limite souvent aux pays arabes, où les formations ne sont d’ailleurs pas toujours en adéquation avec nos besoins et peuvent être orientées religieusement. Il devenait urgent d’offrir à nos étudiants la possibilité de suivre un cursus dans de bonnes conditions et à moindres frais dans leur pays. »
L’idée d’une université comorienne a été exhumée des cartons en janvier 2003, quand le président Azali a institué une commission pour y réfléchir. Dix mois plus tard, la rentrée estudiantine était organisée à Moroni, dans des locaux provisoires prêtés par des ministères ou d’anciens sièges de sociétés publiques. Un pôle universitaire est en construction, et il devrait être prêt à la rentrée 2004. Cette année, le nombre des inscrits, 1 700, répartis entre quatre filières, lettres, droit-sciences économiques, sciences, et lettres arabes, a largement dépassé les prévisions initiales, qui tablaient sur 900 candidatures. L’État a recruté 98 enseignants, des diplômés de l’enseignement supérieur, titulaires d’une maîtrise ou d’un diplôme de troisième cycle obtenu à l’étranger, et doté l’université d’un budget de fonctionnement de 750 millions de FC (1,5 million d’euros). Son financement est assuré grâce à une taxe exceptionnelle frappant le riz d’importation. La mesure, qui a suscité de nombreuses critiques, se justifie aux yeux de ses promoteurs par la nécessité de garantir des recettes pérennes à l’université. « Ainsi, nous ne dépendons de personne, argumente Damir Ben Ali. Ni des aides extérieures, qui peuvent être coupées à tout moment, ni du budget de l’État, qui peut être victime d’une cure d’austérité. Nous avons tous encore en mémoire le traumatisme de la fermeture de l’École nationale d’enseignement supérieur (Enes) au début des années 1990. Tout s’est arrêté du jour au lendemain, à cause de l’ajustement structurel. Les enseignants se sont retrouvés au chômage, les étudiants à la rue, et la formation des cadres a pris dix ans de retard. »
L’université des Comores, qui a accueilli les premières promotions d’élèves, manque encore de locaux et ne dispose que de deux bibliothèques, aux fonds documentaires très limités. A-t-elle vraiment les moyens de fonctionner correctement ? Ses diplômes seront-ils reconnus ailleurs ? N’aurait-il pas été judicieux de retarder de quelques mois l’ouverture de l’université ? Les sceptiques, nombreux, ne se privent pas de souligner que la proximité des échéances électorales n’est pas étrangère à la précipitation dont ont fait preuve les autorités sur ce dossier. Des critiques qui ont le don d’irriter le président Azali : « De quel droit se permettent-ils de juger si nous avons le besoin ou les moyens d’une université ? Bien sûr que nous en avons besoin. Et nos détracteurs devraient comprendre qu’il en va aussi de notre sécurité et de notre souveraineté ! Bien sûr, on peut toujours faire mieux, mais moi, j’ai chaque année plus de mille nouveaux bacheliers, et je dois leur offrir des débouchés. Si on ne leur propose rien, ils s’évanouiront dans la nature, avec le risque d’être endoctrinés, de se transformer en victimes toutes désignées pour les rabatteurs au service des organisations de la nébuleuse islamiste. »

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