Assoumani Azali, président pragmatique

Publié le 3 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Chef d’état-major de l’armée comorienne, ancien de l’Académie royale de Meknès (Maroc), le colonel Assoumani Azali s’est emparé du pouvoir le 30 avril 1999. Un coup d’État « de salut public », dans la grande tradition bonapartiste. Depuis l’échec de la conférence d’Antananarivo, le 23 avril 1999, l’île de Ngazidja, où se trouve la capitale, Moroni, était en proie à des troubles qui menaçaient de dégénérer en guerre civile. Décidé à restaurer pacifiquement l’unité et l’intégrité des Comores, mises à mal par la crise anjouanaise, le nouveau président entame des pourparlers avec les rebelles. Il comprend rapidement que la réconciliation nationale passe par l’installation d’institutions nouvelles, conférant davantage d’autonomie aux îles. Il engage les négociations de Fomboni, malgré l’opposition de la classe politique traditionnelle et de l’OUA, et réussit finalement à rallier ses détracteurs au processus qu’il a initié. En décembre 2001, le processus, qui a entretemps reçu l’onction de la communauté internationale, débouche sur une nouvelle Constitution approuvée par référendum.
La « République fédérale islamique des Comores », qui n’avait de fédérale que le nom, se transforme en une Union des Comores.
Le 16 janvier 2002, Azali démissionne pour se porter candidat à la présidentielle du printemps 2002. Face à une opposition discréditée, parce que tenue pour collectivement responsable de la crise dans laquelle s’est enfoncé l’archipel, il se sait en position de force. Mais c’est au sein de son propre camp qu’il se découvre l’adversaire le plus coriace : le colonel Mahamoud Mradabi, qui n’est autre que le propre père de son directeur de cabinet de l’époque, le capitaine Mahamoud Fakridine.
Mradabi, chef du camp présidentiel, pensait qu’Azali s’effacerait à son profit et le laisserait briguer la magistrature suprême. Azali finit cependant par l’emporter, dans des conditions chaotiques, ses adversaires ayant choisi de se retirer la veille du scrutin, mais l’élection est avalisée par la communauté internationale. Élu pour quatre ans, il se retrouve rapidement en conflit avec Mze Abdou Soulé el-Bak, le président de l’île de Ngazidja, qui lui dispute une partie de ses prérogatives sur « son » île. S’ensuit une période de blocage politique de dix-huit mois, qui n’empêche cependant pas l’Union de fonctionner.
Azali, réputé intègre et travailleur, a incarné la relève et amené une génération d’hommes neufs au pouvoir. Lui-même d’extraction modeste (il est originaire d’un petit village) et novice en politique, il ne cache pas sa fascination pour les gestionnaires et les technocrates. Volontariste et pragmatique, il réussit à instaurer une relative discipline dans le travail ministériel et à assainir les finances publiques. Mais son style de gouvernement en rebute certains, qui le trouvent trop militaire, et trop inadapté à un pays qui n’aime rien tant que les palabres interminables. D’autres lui reprochent de s’être mal entouré, et critiquent l’influence de ses conseillers et amis de la caste des « dinosaures de la vie politique », comme Ali Nasoor ou Abdou Soefou, le directeur de la juteuse société des hydrocarbures. Dans la population, les avis sont aujourd’hui partagés. Les uns le soupçonnent de vouloir s’accrocher coûte que coûte au pouvoir, et mettent en avant son revirement dans l’affaire de sa candidature à la présidentielle : pendant la transition, il avait promis de ne pas se présenter, avant de se raviser in extremis. D’autres lui savent gré du travail accompli, et attendent pour juger. Conscient de l’usure du pouvoir, le président de l’Union reprend la main. Il lance de grands chantiers de développement, dote le pays d’une stratégie pour la réduction de la pauvreté, et met sur les rails la première université des Comores. Un pari sur l’avenir.

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