[Tribune] La Coupe du monde, un festin africain
La Coupe du monde du point de vue de l’Afrique, c’est l’histoire d’un banquet dans un grand restaurant…
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Florian Ngimbis
Florian Ngimbis est un écrivain, chroniqueur et blogueur camerounais.
Publié le 27 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.
Des convives africains se rendent compte que, le repas à peine entamé, il n’y a plus de mets de chez eux : « Mais… Vieux père, c’est comment ? Attiéké là, c’est déjà fini ? Y’a pas eru ? Et saka saka ? » Le serveur guindé : « Monsieur, les mets africains ont été servis en amuse-bouche. » Mais les odeurs du banquet laissent présager un festin. Les convives ne veulent pas s’arrêter là. Il faut continuer à participer d’une façon ou d’une autre. Inspection du menu : « Servez-moi quelque chose de métissé, un truc assez coloré, nous en Afrique là, on mange coloré. » « Monsieur, nous avons l’équipe de France, avec comme ingrédients du black, du blanc et un zeste de beur. »
Le mangeur africain aime ce plat dit « La France ». Surtout quand il y a beaucoup de black. Il commande sans coup férir. Mais il se souvient soudain que le créateur de ce plat est un ex-trafiquant de black, une épice qu’on récolte dans sa région d’origine. Un peu honteux, il réalise que tous les Africains ont commandé la même chose et sont dans l’embarras.
Il y a du Mbappé dedans, les Camerounais, mangez ! Sans le Cameroun, ce plat n’est rien
Il y a des convives gaulois aussi, des nationalistes, des frontistes, des ennemis du mélange black-blanc-beur, des activistes qui hier encore marchaient dans les rues en criant que le plat d’origine n’était fait que de blanc et que c’était une hérésie, tous ces mélanges.
Ils s’épient, se rappellent leurs anciennes déclarations. Puis un truc se produit. Au milieu de l’assiette, un Camerounais reconnaît, perdu dans la forêt de black, une variété cultivée dans son pays, du Mbappé. Son visage s’éclaire, il se lève et hurle : « Il y a du Mbappé dedans, les Camerounais, mangez ! Sans le Cameroun, ce plat n’est rien. »
Le plat, bof, bof… Mais les épices viennent de chez nous, alors ça se laisse manger
Un compatriote crie : « Wééé magnan, je reconnais du Umtiti dedans ! » Les Maliens sont aussi debout, à force de chercher du Gassama, ils ont reconnu du Kante. Ça continue. Il y a du Kimpembe, Kinshasa oyé ! Du Matuidi, Luanda oyé ! Du Fekir, Alger oyé ! C’est l’euphorie. On se congratule, on s’embrasse, on déguste. Un vieux blanc, en colère, essaie bien de relever que beaucoup de ces condiments sont de synthèse et made in France, on le fait taire.
La fête se poursuit jusqu’au bout de la nuit. À la sortie, repus et bleus de plaisir ou de honte – c’est selon –, ils se séparent, sur ce demi-aveu : « C’était bon, les gars. Mais d’ici au prochain banquet, si on vous interroge, répondez : “Le plat, bof, bof… Mais les épices viennent de chez nous, alors ça se laisse manger.” »
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