John Magufuli : démocrature à la tanzanienne ?
Le président tanzanien entend justifier son surnom de « Tingatinga », le « Bulldozer » en swahili. Mais des dents commencent à grincer…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 23 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.
« Pour l’éternité » et « jour et nuit » : ces derniers temps, les propos de John Magufuli ne font pas dans la nuance. « Pour l’éternité », c’est le temps que sa formation politique, le « Chama cha Mapinduzi » (CCM), entend rester au pouvoir, si l’on en croit une allocution présidentielle retransmise, le 16 juillet dernier, en direct à la radio et à la télévision tanzanienne, à l’occasion du lancement des travaux de construction d’un centre de formation des cadres du parti.
« Jour et nuit », c’est le temps que les détenus devraient passer au travail, comme le déclarait le chef de l’État tanzanien aux autorités carcérales, le 14 juillet dernier. Les observateurs auraient tort de ne voir dans ces propos lapidaires que de simples traits d’esprit, métaphores ou promesses qui – on le sait – n’engagent que ceux qui les croient. Sur les tentations de pouvoir perpétuel, John Magufuli précise que ceux qui s’opposeront à ce projet « auront toujours des problèmes » et que, d’ailleurs – trêve de débat ? –, « il n’y a pas d’alternative au CCM ».
Des « coups de pied » pour les paresseux
Aux prisonniers qui feraient preuve de « paresse », face à son projet de prisons productivistes, il promet des « coups de pied ». Selon le président, « c’est une honte pour le pays de continuer à nourrir les détenus » et c’est un scandale d’autoriser, en prison, des visites conjugales pendant lesquelles un condamné fait « des choses qu’il n’est pas censé faire durant sa détention ».
Selon Magufuli, l’homosexualité en prison est favorisée par l’inactivité…
Que cette main-d’œuvre opportunément gratuite cultive, à toute heure, les ingrédients de sa cuisine et cela devrait sans doute l’épuiser au point d’oublier toute pulsion amoureuse. D’ailleurs, si la fin des visites conjugales mettra un terme aux rapports hétérosexuels carcéraux, le travail éradiquera l’homosexualité en prison, pratique qui, selon Magufuli, est favorisée par l’inactivité, tout comme la consommation de drogue…
Popularité de Magufuli en perte de vitesse
Ces récentes déclarations s’inscrivent en droite ligne du tempérament de bulldozer du chef de l’État tanzanien. Mais des critiques se font persistantes. Depuis des mois, les organisations de défense des droits de l’Homme, la société civile et notamment l’Église catholique dénoncent une répression de la liberté d’expression et un étranglement des activités d’opposants politique à qui John Magufuli promet de « régler leur affaire ».
L’autoritarisme aura-t-il ses limites, dans un état de droit censément démocratique ? Arrivée au pouvoir il y a trois ans, le président devra se présenter devant les électeurs en 2020. Si le style ascétique et direct plaisait manifestement, aux derniers scrutins (l’élu a réduit son salaire de 15 000 à 4 000 dollars par mois), la popularité de Magufuli semble en perte de vitesse, si l’on croit de récents sondages. Jusqu’où le “Bulldozer” ira-t-il, pour garantir le caractère « éternel » de son régime ?
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