Le gouvernement allemand veut durcir sa politique d’asile à l’égard des Maghrébins

Le gouvernement allemand a validé un projet de loi visant à classer la Tunisie, le Maroc et l’Algérie comme « pays sûrs ». Si le texte est adopté par le Parlement, les ressortissants de ces pays ne seront donc plus considérés comme des réfugiés par Berlin.

La chancelière allemande Angela Merkel, lors d’un discours en février 2017. © Matthias Schrader/AP/SIPA

La chancelière allemande Angela Merkel, lors d’un discours en février 2017. © Matthias Schrader/AP/SIPA

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Publié le 23 juillet 2018 Lecture : 4 minutes.

Le gouvernement allemand a franchi une nouvelle étape dans sa volonté d’accélérer le rapatriement des Maghrébins déboutés du droit d’Asile. Le conseil des ministres de la chancellerie a validé le 18 juillet un projet de loi qui vise à admettre la Tunisie, le Maroc et l’Algérie en tant que « pays sûrs », rendant ainsi quasi-automatique le refus des dossiers de demande d’asile des ressortissants maghrébins, sans obligation de donner des motifs.

Le projet de loi que le gouvernement allemand entend présenter devant le Parlement affirme que dans ces trois pays « il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l’article 9 de la directive 2011/95/UE, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne ». 

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Un  premier projet de loi similaire avait été rejeté l’an dernier par la chambre haute du Parlement, le Bundesrat, faute d’avoir trouvé une majorité face à l’opposition des Verts et de Die Linke (gauche).

Le gouvernement justifie sa volonté de faire passer ce nouveau texte par « le nombre faible de demandes d’asile accepté en provenance de ces pays ». De fait, en Allemagne, 99% des demandes d’asile d’Algériens sont refusées et seulement 2,7% des demandes formulées par des Tunisiens et 4,1% de celles déposées par des Marocains ont reçu une réponse positive en 2017.

Crise politique

La décision de soumettre ce nouveau projet de loi survient dans un contexte politique particulier en Allemagne, théâtre d’un véritable bras de fer entre la chancelière et son nouveau ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, dirigeant du parti conservateur bavarois CSU. Affichant publiquement son désaccord avec Angela Merkel sur la politique migratoire, ce dernier a menacé de faire éclater la fragile coalition gouvernementale, difficilement mise en place en mars.

L’accord finalement trouvé début juillet entre les deux partis prévoit notamment de restreindre le nombre de demandeurs d’asile en Allemagne et la création de « centres de transit » à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche afin d’y installer  les demandeurs d’asile déjà enregistrés dans un autre État européen, en attendant leur expulsion.

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Accords bilatéraux Allemagne-Maghreb

La volonté de durcir les conditions d’accès à l’asile pour les Maghrébins s’est renforcée, à Berlin, après l’épisode des agressions sexuelles survenues le soir du Nouvel An 2015 à Cologne, dont les auteurs étaient, selon la police, des hommes originaires d’Afrique du Nord.

En mars 2016, le ministre allemand de l’Intérieur de l’époque, Thomas de Maizière, a effectué une tournée maghrébine pour présenter les grands axes d’une campagne visant à accélérer le retour des déboutés du droit d’asile et autres sans-papiers.

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Le gouvernement allemand cherchait à l’époque à assurer une meilleure coopération des gouvernements qui, souvent, refusaient de les rapatrier en l’absence de pièces nationales d’identité. La chancellerie avait alors proposé « le recours aux technologies modernes, comme l’utilisation de données biométriques pour l’identification ».

L’Allemagne a proposé de délivrer les noms et empreintes des demandeurs d’asile maghrébins déboutés, afin que le Maroc, l’Algérie et la Tunisie puissent les comparer avec leurs propres bases de données. Un dispositif dont l’efficacité est néanmoins soumise à la concordance des informations biométriques en possession des autorités des pays d’origine.

L’Allemagne avait également convenu avec la Tunisie le lancement d’un programme pilote imaginé par les autorités allemandes, consistant à expulser un groupe de 20 à 25 personnes dans des vols charters, aux frais de Berlin et sous escorte de forces de l’ordre allemandes. « Nous devons parvenir à ce que la procédure [de raptriement, NDLR] soit plus efficiente et plus rapide », avait déclaré Thomas de Maizière, évoquant pour cela un éventuel « recours aux technologies modernes, comme l’utilisation de données biométriques pour l’identification » des ressortissants.

Menaces

En décembre 2016, l’attaque du marché de Noël à Berlin, qui a fait 12 morts, a été perpétrée par un Tunisien débouté du droit d’asile six mois plus tôt et qui devait donc théoriquement être expulsé. L’expulsion d’Anis Amri, auteur de l’attentat, a été retardée parce que les autorités tunisiennes ne voulaient pas le reconnaître comme un ressortissant. Cet épisode a accroître l’envie de l’Allemagne d’accélérer par tous les moyens l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés. La chancelière allemande, Angela Merkel, avait appelé en janvier 2017 à une meilleure coopération des pays maghrébins et avait, déjà, appelé à leur classification comme « pays sûrs ».

Le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, et le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière avaient annoncé que les pays n’accepterant pas les demandeurs d’asile refusés par l’Allemagne ne pourrait pas recevoir d’aide au développement.

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