L’ère du sans-fil

Pour les zones rurales africaines, Internet arrivera sans doute par radio. Les conditions pratiques et tarifaires restent cependant assez floues.

Publié le 1 février 2006 Lecture : 4 minutes.

En moins d’une décennie, les technologies de transfert de données sans fil ont fait du chemin. Il y a neuf ans, les ingénieurs de l’IEEE, un institut international de normalisation, définissaient la norme 802.11, qui précisait les fréquences radio et les canaux utilisés pour établir un réseau local sans fil sur une courte distance (dans un rayon d’une centaine de mètres). Baptisé depuis d’un nom plus commercial, WiFi, ce standard a évolué en plusieurs déclinaisons, dont la plus puissante permet désormais d’atteindre des débits jusqu’à 100 mégabits par seconde (et près de 600 Mbits/s pour la prochaine norme, 802.11n, prévue pour 2007). Mais, côté consommateur, il aura fallu attendre 2002 pour voir les tout premiers produits WiFi apparaître, et deux ans de plus pour qu’ils deviennent réellement populaires, grâce aux efforts des industriels comme Intel, le géant américain du processeur et fabricant de la puce Centrino qui procure le WiFi aux ordinateurs portables. Pour garantir le succès de leur invention, les entreprises du secteur s’étaient regroupées au sein d’une association de promotion, la WiFi Alliance. Celle-ci s’est montrée active et efficace, puisque la presse avait littéralement encensé cette nouveauté bien avant qu’elle ne soit disponible. Reste qu’aujourd’hui le WiFi est monnaie relativement courante en Europe et aux États-Unis, même si l’on se situe très loin des prédictions optimistes émises voilà trois ans.
« Cette solution, qui utilise des ondes radio, est aussi perçue comme une alternative peu coûteuse au câble et à l’ADSL, et particulièrement utile pour se connecter à Internet dans les régions peu peuplées, oubliées par les opérateurs », écrivait le magazine en ligne Transfert.net, gourou de la nouvelle économie, en mars 2003. Trois ans plus tard, cette phrase peut être reprise telle quelle pour le WiMax, une norme radio plus récente définie par le même IEEE, qui permet de couvrir des zones jusqu’à 50 kilomètres, lorsqu’il n’y a pas d’obstacle. La différence avec le WiFi se situe sur le détail technique – fréquence des ondes radio, bande passante -, mais le principe est identique. À nouveau, les industriels ont instauré une association de promotion, le WiMax Forum, qui véhicule les mêmes idées que son prédécesseur. Avec succès. Le journal Le Monde écrivait, le 17 janvier dernier, que « grâce à cette nouvelle norme, le déploiement d’accès Internet à haut débit pourra se généraliser, et ce à moindre coût, permettant la création de réseaux métropolitains (MAN, ou Metropolitan Access Network) ou encore le désenclavement rapide de zones non couvertes par le haut-débit « classique » (ADSL, câble, boucle locale radio, hors solutions par satellite d’un coût encore trop élevé). » Un goût de déjà lu.
Le hic, c’est que comme pour le Wi-Fi naguère, concrètement, le WiMax n’existe pas encore. Ou si peu. C’est seulement à la mi-janvier que les quatre premiers produits ont été déclarés conformes au standard et reçu la « certification » officielle après examen par un laboratoire indépendant. Vingt-six autres produits sont sur le banc d’essai et pourraient être qualifiés avant le mois de mars. Il en faudra bien d’autres, on l’imagine, avant que les consommateurs ne s’emparent de cette technologie et que les liaisons haut-débit sans fil sur plusieurs dizaines de kilomètres deviennent réalité. Les plus optimistes tablent sur l’année prochaine.
Au-delà de ces problèmes industriels, l’enjeu est de taille pour l’Afrique. Pour rendre la modernité accessible à tous, les ondes radios – WiFi, WiMax ou autres – s’imposent. Elles peuvent transporter sur de grandes distances des informations sans qu’aucune infrastructure lourde soit nécessaire. Un pylône léger, une antenne et une source d’énergie suffisent pour apporter Internet, l’e-mail, la téléphonie en voix sur IP (lire page suivante) aux zones rurales. Mais il faudra tout de même que quelqu’un paie pour la mise en place et l’exploitation. Le paysan malien voudra-t-il consacrer une partie de son budget à un tel service, ou faudra-t-il que les États, les opérateurs ou les utilisateurs institutionnels en couvrent les coûts les premières années, le temps d’en démontrer l’utilité ? Car la rentabilité reste évidemment l’objectif principal. L’américain Intel, peu philanthrope, annonçait en septembre 2005 son intention d’ouvrir des bureaux au Nigeria et au Kenya, après le Liban, l’Égypte et le Maroc. En Algérie, en Afrique du Sud, à Maurice, les premiers opérateurs sont déjà en phase de démarrage opérationnel avec des solutions couplant WiFi et WiMax. Bref, le capitalisme est à l’uvre. Comme concluait amèrement voilà trois ans le magazine Transfert.net à la suite de l’extrait cité plus haut, « aujourd’hui largement médiatisé, élevé au rang de phénomène de mode, le WiFi représente un enjeu commercial dont bon nombre d’administrations, d’entreprises et d’opérateurs comptent bien tirer profit. Bien loin des idées communautaires défendues par les pionniers de cette technologie ».

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