L’Amérique change de couleur
Le 300 millionième citoyen des États-Unis devrait naître dans le courant du mois d’octobre. Peut-être sera-t-il blanc, anglo-saxon et protestant. Mais rien n’est moins sûr.
Si les spécialistes ont raison, le 300 millionième Américain devrait être conçu dans le courant de ce mois de janvier – et donc naître au mois d’octobre prochain. Ses futurs parents ont statistiquement de fortes chances d’être des Anglo-Saxons blancs et protestants. Ou, peut-être, des Hispaniques. Sans doute vivent-ils dans quelque grande banlieue du sud ou de l’ouest du pays…
Le jeudi 15 janvier, le Census Bureau (bureau de recensement) a officiellement chiffré la population des États-Unis à 297,9 millions. Ses responsables ont calculé qu’un enfant américain naît toutes les 8 secondes. Et qu’un immigrant arrive sur le territoire national toutes les 31 secondes. Le compte est facile à faire : la population des États-Unis s’accroît d’un individu toutes les 14 secondes.
À ce rythme, le cap mythique des 300 millions serait atteint à la fin de cette année 2006. Mais avec des projections ajustées tous les mois et l’augmentation traditionnelle du nombre des naissances au cours de l’été, il devrait l’être dans tout juste neuf mois, estime la démographe Katrina Wengert, du Census Bureau.
Ce n’est évidemment là qu’une approximation. Pourtant, tout le monde est déjà sur le pont : services de relations publiques des hôpitaux, obstétriciens, chambres de commerce, fabricants de produits alimentaires pour bébés, officiers d’état civil et bien d’autres. Encouragé par les médias, chacun se perd en supputations : qui sera le 300 millionième Américain ?
Les démographes savent fort bien qu’aux États-Unis, qui sont le troisième pays le plus peuplé du monde après la Chine et l’Inde, la population continue d’augmenter, contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d’autres pays industrialisés*. Au Japon, elle a officiellement commencé à diminuer au mois de décembre 2005. Poussée par l’immigration et des taux de fécondité plus importants, surtout chez les immigrants récents, elle s’accroît en Amérique d’un peu moins de 1 % par an. Soit l’équivalent de la population de Chicago : 2,8 millions d’habitants.
En raison des changements démographiques intervenus au XXe siècle, le 300 millionième Américain, né l’année où les premiers baby-boomers auront eu 60 ans, sera très différent du 100 millionième, en 1915, et même du 200 millionième, en 1967. Il pourrait être un immigrant arrivé par avion ou entré clandestinement au Nouveau-Mexique, mais ?le pari des spécialistes est qu’il s’agira plutôt d’un bébé né sur le sol américain – ils sont quotidiennement 11 000 dans ce cas.
Pour le démographe William Frey, du Centre d’études sur la population de l’université du Michigan, « le 300 millionième Américain sera un Latino mexicain du comté de Los Angeles dont les parents parlent espagnol à la maison et dont les frères et surs sont eux aussi bilingues ». « On est très loin, poursuit Frey, du 200 millionième, qui était probablement un petit Blanc issu de la classe moyenne dont les parents habitaient la banlieue de New York ou de Los Angeles. Et plus encore du 100 millionième, qui était sans doute le rejeton d’une famille de citadins new-yorkais ou de ruraux de l’État de New York ou de Pennsylvanie. » Bref, « ce bébé 2006 est symbolique de la nouvelle démographie multiethnique du XXIe siècle, à la fois urbaine et suburbaine, qui s’évadera des villes tentaculaires comme L.A., Dallas et New York, parallèlement à la disparition des boomers suburbains blancs ».
Carl Haub, un autre démographe, estime pour sa part que le 300 millionième Américain sera probablement de sexe masculin – il naît davantage de garçons que de filles. Pour le reste, il est en gros d’accord avec son collègue, mais avec des nuances. Alors que la plupart des Américains sont encore des protestants anglo-saxons, explique Haub, les mères hispaniques ont des taux de fécondité plus importants. L’État où les naissances sont le plus nombreuses est celui de Californie, où la majorité des nouveau-nés sont d’origine hispanique, les parents étant le plus souvent un couple marié. Là-bas, en 2004, le quatrième prénom le plus répandu pour les garçons, après Daniel, Anthony et Andrew, était José.
Ce qui est certain est que ce 300 millionième Américain vivra plus longtemps – jusqu’à 80 ans ou 90 ans – et dans un pays plus peuplé.
Les projections démographiques sont soumises à de nombreux impondérables, tels que l’impact des guerres ou des épidémies, et à des gains spectaculaires d’espérance de vie. Le Census Bureau n’exclut pas que, même si l’accroissement de la population ralentit aux États-Unis à partir de 2030, on arrive à 400 millions d’habitants dans moins de quarante ans.
* Coïncidence : le recensement annuel de l’Insee confirme la reprise de la fécondité en France. Les Françaises sont championnes d’Europe après les Irlandaises, avec un taux de fécondité de 1,94 enfant par femme, contre une moyenne de 1,5 dans l’Union européenne. La population française a augmenté de 367 000 personnes en 2005, alors que la population allemande, par exemple, semble diminuer irrémédiablement.
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