« Je n’ai pas de temps à perdre »

Âme d’une révolution née sur les cendres du génocide, le président rwandais, austère et peu prolixe, s’explique ici sur les tribunaux traditionnels, l’opposition en exil, les pamphlets publiés à l’étranger, les relations avec la France

Publié le 31 janvier 2006 Lecture : 15 minutes.

Mayonge, district de Bugesera, un vendredi de janvier. Dans une salle communale garnie de bancs de bois, sur lesquels se serrent une cinquantaine de villageois descendus des collines environnantes, huit juges ceints d’une écharpe tricolore, stylos Bic et cahiers d’écolier sagement posés sur les genoux, décident du sort de Vincent Urimbenshi, cultivateur et tueur ordinaire du génocide de 1994. En liberté provisoire après plusieurs années de détention préventive, ce petit homme noueux comparaît devant le tribunal traditionnel gacaca de son village pour avoir participé au meurtre d’une Tutsie, Agathe, et de ses deux enfants, ainsi qu’à cinq attaques sanglantes contre des familles de la région, un jour de mai de cette année maudite. Debout, après avoir entendu le défilé des témoins à charge, Vincent réitère ses excuses et sa demande de pardon. Outre les faits, il reconnaît également et sans se faire prier avoir volé des tôles, un matelas, des sacs de haricots et quelques chèvres. « Dès qu’on croisait un Tutsi, on le tuait avec nos machettes », se rappelle-t-il. Avant d’accuser à son tour quelques-uns des spectateurs présents de l’avoir accompagné lors de ses équipées sauvages. Silence dans la salle, sourires vite effacés, gêne perceptible. Vincent est de nouveau arrêté à l’audience et embarqué dans un vieux 4×4 par deux gardes armés, en attendant le verdict. Le tour de ceux qu’il a dénoncés viendra bientôt. Avant que le gacaca les convoque, ils rentrent chez eux, dans l’indifférence générale.
Scène ordinaire au Rwanda en ce début d’année 2006. On y juge sans discontinuer devant ces tribunaux du peuple, dont le nombre et le rythme des audiences se sont brusquement accrus depuis que le pouvoir a décidé qu’il fallait en finir d’ici à la fin de 2007. C’est la grande affaire du moment, avec la réforme administrative qui vient de redécouper le pays en quatre grandes provinces (au lieu de douze auparavant), dont les noms, volontairement anonymes – Nord, Est, Sud, Ouest -, traduisent la volonté d’abandonner toute référence aux appellations ethno-régionales du passé. Au forceps, sans états d’âme, de manière à la fois pédagogique et directive, les dirigeants du Front patriotique rwandais, le parti-État, ont décidé de créer un « homme nouveau ». Demander à son interlocuteur : « Êtes-vous hutu ou tutsi ? » suscite le plus souvent l’embarras, puis la même réponse, histoire de signifier à quel point la question est désormais politiquement incorrecte : « Je suis rwandais. »
Ainsi va le Rwanda, à mi-chemin entre la petite entreprise régie par des règles asiatiques de compétitivité et « l’État garnison » contrôlé, centralisé, surveillé. À Kigali et dans toutes les villes de l’intérieur, la sécurité est quasi absolue. Délinquance rarissime, braquages inconnus, calme nocturne total. Comme si, sur la maison Rwanda et ses 8 millions et demi d’habitants était apposé le panneau : « Silence, on travaille ! ». La reine de cette ruche, l’âme de cette révolution née sur les cendres du génocide a un nom : Paul Kagamé. Cet homme de 49 ans au visage anguleux et à l’austérité coupante, dont l’interminable silhouette ne s’est pas épaissie en onze années d’exercice du pouvoir, a le verbe rare. À l’heure où des livres – notamment celui de Pierre Péan -, et des témoignages, parus en France, le mettent en cause avec une rare violence, le président rwandais s’explique. À noter que Paul Kagamé est arrivé au rendez-vous fixé strictement à l’heure – ici, on n’attend pas. Et qu’il s’est exprimé en anglais. Malgré ses promesses et son épouse francophone, Kagamé n’a toujours pas trouvé le temps d’apprendre une langue que parlent pourtant nombre de ses compatriotes. À dire vrai, on ne perçoit pas chez lui un grand intérêt pour cet exercice. La France, comme chacun le sait, n’a jamais été sa tasse de thé

Jeune Afrique/l’intelligent : Afin de juger les milliers et les milliers de « petites mains » du génocide de 1994, le Rwanda a recours à une expérience unique : celle des tribunaux gacaca. Ces instances populaires, au nombre de dix mille, qui relèvent autant de la thérapie de groupe que de la justice, fonctionnent désormais à plein régime. Pour l’Histoire : qui a eu l’idée de recourir ainsi à ces juridictions traditionnelles ? Vous-même ?
Paul Kagamé : Moi et d’autres. Ce fut en réalité une idée collective, qui a germé au sein de la direction du Front patriotique rwandais à l’issue d’une série de réunions élargies, tenues à travers tout le pays, au cours de l’année 1997. Le thème en était à la fois simple et complexe : comment associer justice, pardon, réconciliation et reconstruction. Le recours aux gacaca s’est peu à peu imposé de lui-même. Pourquoi chercher ailleurs ce que notre Histoire propre avait façonné ?
Vous avez, il y a six mois, pris la décision de libérer 36 000 détenus qui, pour la plupart, avaient avoué leur participation au génocide. Comment se déroule la cohabitation entre ces derniers et les familles de leurs victimes, après leur retour sur les collines ? Pensez-vous que la repentance des uns et le pardon des autres sont sincères, ou tout cela n’est-il que symbolique et artificiel ?
Je pense que cela n’a rien de cosmétique et que la réconciliation est réelle, profonde. Je ne dis pas que le taux de réussite est de 100 %, mais il dépasse très largement les 50 %, ce qui est remarquable. Pour le mesurer, il suffit de voir les progrès que ce pays a accomplis en une décennie, dans tous les domaines, dont celui de la cohésion nationale. Il faudrait être aveugle pour ne pas les relever.
Les tribunaux gacaca n’épargnent personne : des ministres en exercice, des députés, des officiers supérieurs sont convoqués et sommés de s’expliquer sur leur rôle pendant le génocide. Où s’arrêteront-ils ?
Certains sont effectivement tenus de se justifier. Pour d’autres, seul leur témoignage est requis. Tous, s’ils sont innocents, ont là l’occasion de le démontrer une fois pour toutes. Mais il est hors de question qu’un responsable, à quelque niveau que ce soit, doive sa carrière et sa réussite au déni de la vérité et à l’occultation de son propre passé. Les gacaca, c’est un peu comme la chloroquine et tous ces médicaments que l’on utilise pour traiter la malaria. C’est amer, parfois très amer, mais indispensable si l’on veut guérir.
Le nombre total de personnes susceptibles d’avoir participé au génocide avoisine les 800 000 selon les autorités, soit un dixième de la population. C’est énorme
Peut-être est-il plus important encore. Nous devons l’accepter.
Et vous comptez juger tout ce monde d’ici à la fin de 2007 ? N’y a-t-il pas un risque réel de justice bâclée, expéditive ?
Ce délai n’est qu’une simple estimation. Après tout, il n’y a rien de mal à être ambitieux. Mais nous ne sommes pas prisonniers d’un calendrier.
Il n’empêche : les gacaca font peur. Selon le HCR, 7 000 Rwandais se sont réfugiés au Burundi voisin depuis avril 2005, pour éviter de comparaître devant eux
Il s’agit ici de manipulation politique : ces gens proviennent tous d’une seule et même région frontalière du Burundi. Si les gacaca terrorisaient vraiment la population, pourquoi n’y a-t-il pas de mouvements similaires en direction de la RD Congo, de l’Ouganda ou de la Tanzanie ? Ces réfugiés sont les victimes de manuvres d’intoxication psychologique auxquelles se livrent encore quelques bandes armées rebelles d’origine rwandaise et burundaise. Nous entretenons de très bonnes relations avec les autorités de Bujumbura, et nous discutons avec elles de la meilleure manière de rassurer ces compatriotes et de les rapatrier.
Vous n’avez jamais ménagé vos critiques à l’encontre du fonctionnement du Tribunal pénal international d’Arusha (TPIR), que vous jugiez trop lent et trop bureaucratique. Est-ce toujours votre sentiment ?
Plus que jamais. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu quelques améliorations, mais le schéma d’ensemble reste le même. Prenez le cas du colonel Theoneste Bagosora : tout le monde sait que ce personnage a été l’un des principaux cerveaux du génocide. Son cas est aussi clair que celui des criminels nazis jugés à Nuremberg. Or le Tribunal prend parle, on parle et on tourne en rond.
Les détenus d’Arusha, qui comparaissent en ce moment devant le TPIR pour avoir planifié le génocide, vivent dans de bonnes conditions. Alors que les simples exécutants de ce même génocide sont entassés à Kigali, dans la prison « 1931 », en deçà de tout standard minimal d’hygiène. N’est-ce pas injuste ?
C’est évident. Les prisonniers d’Arusha vivent mieux et plus confortablement que la plupart des Rwandais, qu’ils soient ou non détenus. Mais qu’y puis-je ?
Après de longues tractations diplomatiques, le prêtre belge Guy Theunis, arrêté en septembre 2005 à Kigali pour « complicité de génocide », a finalement été remis, fin novembre, aux autorités de Bruxelles. Êtes-vous sûr qu’il sera jugé ?
Je ne veux pas avoir d’a priori en la matière. Les autorités belges nous ont assuré qu’elles allaient traiter ce cas sérieusement. Accordons-leur au minimum le bénéfice du doute.
À vos yeux, Guy Theunis est-il coupable ou attendez-vous la décision de la justice belge pour vous prononcer ?
Je ne suis pas juge. Mais les informations et les éléments de preuves dont j’ai eu connaissance à son sujet tendent à démontrer sa culpabilité.
La peine de mort est en vigueur au Rwanda, particulièrement à l’encontre des génocidaires avérés. À titre personnel, êtes-vous pour ou contre cette sanction, à la fois dans l’absolu et dans la pratique ?
La peine de mort existe dans notre code pénal, c’est un fait. Pour le reste, je ne souhaite ni préempter ni influencer le débat qui aura lieu un jour ou l’autre au Rwanda sur ce sujet.
En quelques phrases, comment définiriez-vous votre conception de la démocratie ?
Je ne crois pas en une conception universelle, une sorte de prêt-à-porter de la démocratie. À mes yeux, la démocratie n’est pas uniquement politique, elle est aussi économique et sociale. En termes d’émancipation, de participation, de conditions de vie, de valorisation culturelle et de promotion de la femme, le Rwanda a fait, depuis onze ans, un grand bond en avant. Notre démocratie est à la fois collective et pédagogique. Nous sommes constamment à l’écoute de ce que veulent les Rwandais, et chacune de nos décisions est minutieusement expliquée, débattue, et amendée s’il le faut. Nous ne faisons pas un seul pas qui ne soit compris et accepté. Certes, tout est affaire de paramètres, mais les faits parlent d’eux-mêmes. Il n’y a plus ici de bons Hutus ou de mauvais Tutsis – ou l’inverse. Seulement des citoyens rwandais. Le résultat est évident : ce pays est plus ouvert et plus démocratique qu’il ne l’a jamais été.
Pourtant, c’est en exil – particulièrement en Europe – que se trouve l’opposition rwandaise la plus active. Pas à l’intérieur du pays.
Effectivement et c’est bien là qu’est le problème. Pourquoi ces opposants sont-ils à l’extérieur ? Pourquoi entretiennent-ils cette fiction de la peur auprès de nombre de nos compatriotes que nous serions heureux d’accueillir ici ? Qui sont ces gens ? Que veulent-ils ? Quelle est leur idéologie, leur histoire, leur crédit ? Pourquoi ne viennent-ils pas ici se battre, s’enraciner et se faire connaître ? Prenez le cas de Faustin Twagiramungu, qui fut mon challengeur lors de la dernière élection présidentielle. Ce monsieur réside en Belgique. Il est venu au Rwanda pour faire campagne et participer au scrutin, avant de retourner en Europe. Peut-être reviendra-t-il pour la prochaine échéance électorale. Comment voulez-vous qu’on le prenne au sérieux ? L’un des gros problèmes de ces politiciens africains, c’est de tout attendre de l’étranger, qui tte à se faire sponsoriser par des ONG ou des officines plus ou moins occultes. D’où leur posture de mendiants perpétuels. Moi, ce n’est pas mon job de créer une opposition au Rwanda. J’ai mis en place l’environnement nécessaire pour qu’elle puisse exister. À elle d’entrer dans le cadre.
Est-il réellement possible de vous critiquer, ici, au Rwanda ?
En doutez-vous ? Pensez-vous, par exemple, que ce même Twagiramungu, lorsqu’il a mené campagne, l’a fait en ma faveur ? Il n’a pas cessé d’attaquer à chacun de ses meetings. Il arrive aussi que des journaux me prennent à partie. Je n’ai jamais porté plainte contre eux.
Selon un récent rapport du HCR, cinquante mille réfugiés rwandais vivent toujours en exil uniquement en Afrique. Particulièrement en Ouganda, en Tanzanie et dans les deux Congos. C’est beaucoup
Non, ce n’est rien. Au début des années 1990, nous étions près de trois millions en exil, dont moi-même. Aujourd’hui, à l’exception d’une poignée d’ex-génocidaires que nous connaissons bien et qui ont échoué entre Brazzaville et Kinshasa, la quasi-totalité de ces gens sont des réfugiés économiques. La terre, ici, est réduite et la densité celle que vous connaissez : 335 habitants au km². Pour tous, la porte du Rwanda est ouverte.
Un nombre significatif de rebelles du Front démocratique de libération du Rwanda ont, ces deux dernières années, quitté leurs maquis de l’est de la République démocratique du Congo pour franchir la frontière et déposer leurs armes. Pensez-vous que ce mouvement continue de représenter néanmoins un danger ?
Oui et non. Ces ralliements, ces retours, sont réels, mais nous restons vigilants. Nous savons que certains de ces ex-miliciens ont reçu pour instructions de créer des troubles à l’intérieur même du Rwanda. Leurs idéologues et ceux parmi leurs chefs qui n’ont rien à perdre, car ils savent ce qu’ils ont commis en 1994, n’ont pas renoncé. Ils veulent simplement déplacer leur terrain de lutte.
Votre grand voisin congolais est entré dans une année électorale cruciale. Êtes-vous optimiste ?
Toute élection est un défi et c’est un grand défi pour le Congo. S’il le relève, le Rwanda ne pourra qu’en bénéficier. Nous avons tout à gagner d’un voisin stable et en paix avec lui-même.
Vos rapports personnels avec le président Joseph Kabila ont souvent été difficiles. Est-ce toujours le cas ?
Je pense que nos relations sont bonnes. Nous nous rencontrons assez régulièrement. La dernière fois, c’était il y a quelques semaines, à l’occasion de l’investiture du nouveau président de Tanzanie, Jakaya Kikwete.
Le taux de croissance de l’économie rwandaise en 2005 a été de 6 %. Et la Banque mondiale a classé votre pays parmi les dix premiers pays en voie de développement de la planète en terme d’attractivité pour les investissements. Vous ne pouvez qu’être fier de ces résultats ?
Bien sûr. Mais je ne m’y arrête pas. Cela doit nous inciter à faire encore plus et encore mieux. Il y a tant à accomplir et le chemin est encore si long.
Peut-on parler de vos relations avec la France ?
Sujet très difficile. Mais allons-y.
Onze ans après le génocide, la France est le seul grand pays avec lequel vos rapports peuvent être qualifiés de tendus – et c’est un euphémisme. Pourquoi ?
Tout observateur objectif conclura que la responsabilité de la France dans cet état de fait, que je déplore, est beaucoup plus évidente que la nôtre. En d’autres termes, c’est la France qui détient la clé d’une amélioration de nos relations – si tant est qu’elle le souhaite.
Deux ouvrages, publiés fin 2005 à Paris, vous mettent très directement en cause à propos de l’attentat contre l’avion de l’ex-président Habyarimana et du génocide qui a suivi. Celui de Pierre Péan et celui d’Abdul Ruzibiza*. Les avez-vous lus ?
J’en ai entendu parler. Quant à les lire, je n’ai pas vraiment de temps à perdre. C’est toujours le même plat que l’on nous sert, avec des sauces différentes. Pour m’enrichir intellectuellement et améliorer ma compréhension de la langue française, j’ai tout un programme de lectures beaucoup plus sérieuses.
Accordez-vous au moins à Péan et à Ruzibiza le crédit d’être sincères ?
La question est de savoir si ce sont des manipulateurs ou s’ils sont manipulés. Il n’y a rien d’autre dans ces livres qu’un recyclage d’intoxications proférées dès 1994 dans les milieux génocidaires et répétées depuis. Aucun élément nouveau, aucune preuve, rien.
Manipulateurs ou manipulés : voulez-vous dire par là que l’État et le gouvernement français sont derrière cette offensive médiatique ?
Je n’en sais rien, je n’exclus rien non plus, mais je me refuse à me laisser entraîner sur ce terrain. Ce que je sais par contre, c’est que si nous laissions les Rwandais qui ont vécu le génocide écrire ce qu’ils pensent vraiment du rôle de la France et de ses dirigeants de l’époque, le ciel nous tomberait sur la tête.
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que l’on peut, en Europe et en toute impunité, diffamer un pays et son gouvernement – particulièrement lorsqu’ils sont africains. Alors que la simple expression de la vérité, ici au Rwanda, déclencherait immédiatement les foudres de la communauté internationale. C’est ce qu’on appelle le deux poids, deux mesures.
Ces livres vous dépeignent tous sous les traits d’un Machiavel diabolique planifiant le génocide de son propre peuple. Cela vous affecte ?
Absolument pas. C’est d’ailleurs par simple courtoisie que je parle de tout cela avec vous. Cela ne m’intéresse pas. J’ai beaucoup mieux à faire, un pays à développer et un peuple à mener sur les chemins du mieux-être.
Pourquoi cette fixation sur vous ?
Sans doute parce que je suis tout ce que les génocidaires de 1994 et leurs amis détestent. Ce à quoi je crois est exactement l’inverse de leur idéologie et de leurs rêves barbares. Je ne vois pas d’autre raison.
Si vous jugez ces publications diffamatoires, pourquoi ne portez-vous pas plainte auprès de la justice française ?
Auprès de qui ? Encore une fois, je n’ai pas de temps à perdre.
Plusieurs citoyens rwandais ont déposé des plaintes – lesquelles sont examinées par le t ribunal aux armées de Paris – contre l’armée française pour « complicité de génocide ». Y a-t-il un rapport entre cette offensive éditoriale et la plainte ?
Je n’en sais rien. En tout cas, pas de notre côté. Le gouvernement rwandais n’a strictement rien à voir avec ces plaintes, qui émanent de justiciables sans affiliations politiques particulières. Tous ont apparemment des choses à reprocher aux soldats français qui étaient présents ici il y a onze ans. L’une des plaignantes, par exemple, dit avoir été violée. Pourquoi les intéressés ont-ils fait cette démarche une décennie après les faits ? Je l’ignore. C’est à eux de le dire.
Qu’attendez-vous de la France ? Une repentance ? Une autocritique ?
Je me suis déjà exprimé là-dessus dans vos colonnes et il n’y a rien de nouveau à dire. Que la France reconnaisse et accepte sa responsabilité dans le drame de 1994. À la fois ses responsabilités spécifiques et sa part de responsabilité collective. De tous les acteurs étrangers de cette époque, elle est la seule à n’avoir jamais émis le moindre regret.
Ces relations empoisonnées avec Paris affectent-elles celles que vous entretenez avec les pays d’Afrique francophone ?
Non, pas du tout. Nos rapports sont bons. Le temps n’est plus où la France dictait leur conduite aux États francophones du continent.
En revanche, l’axe Kigali-Kampala n’est plus ce qu’il était. Plusieurs de vos opposants ont trouvé refuge en Ouganda et vos relations personnelles avec le président Yoweri Museveni sont au plus bas depuis que vos deux armées se sont affrontées à Kisangani il y a cinq ans. Pourquoi ce malaise persistant ?
Je ne souhaite pas parler de ce sujet – cela ne ferait qu’empirer la situation. Surtout en ce moment, puisque l’Ouganda est en période préélectorale.
Pendant combien de temps encore exercerez-vous le pouvoir suprême au Rwanda ?
Étrange question. Nous avons une Constitution qui définit la durée du mandat présidentiel : sept ans, renouvelable une fois. J’ai entamé en 2003 mon propre mandat dans ce cadre. Nous verrons pour la suite.
Y a-t-il une vie après le pouvoir ?
J’y compte bien ! Je suis pratiquement né dans le combat, j’ai grandi dans la lutte, la tâche qui m’incombe aujourd’hui est terriblement absorbante. J’espère pouvoir un jour me reposer.
Souhaitez-vous que vos enfants fassent de la politique – voire que l’un d’entre eux vous succède ?
Le Rwanda n’est pas une monarchie et ce genre de pratique, le népotisme, la transmission héréditaire du pouvoir, le favoritisme familial, ce n’est pas le genre de la maison. Ce que je souhaite pour mes enfants est simple : qu’ils décident par eux-mêmes de leur avenir. Ils ne sont pas différents des autres Rwandais.

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* Noires fureurs, blancs menteurs, de Pierre Péan, ?éd. Mille et Une Nuits, Paris, 544 pages, 22 euros.?Rwanda , l’histoire secrète, d’Abdul Joshua Ruzibiza, Éditions du Panama, Paris, 488 pages, 22 euros.

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