D’une bavure l’autre

Publié le 31 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Novembre 2003. Dans un centre de détention proche de la frontière syrienne, le major-général Abed Hamed Mowhouch, un ancien conseiller de Saddam Hussein que les Américains soupçonnent d’être l’un des chefs de l’insurrection, est longuement interrogé par l’adjudant-chef Lewis Welshofer Jr. Son geôlier le bâillonne, lui enfouit la tête dans un sac de couchage, puis s’assoit sur sa poitrine. Le malheureux décède par suffocation.
Mai 2005. Dans l’Ouest ivoirien, une patrouille de soldats français de l’opération Licorne commandée par l’adjudant-chef Guy Raugel arrête un coupeur de route présumé du nom de Firmin Mahé – qu’elle confond peut-être avec un homonyme -, l’interroge longuement à bord d’un véhicule blindé et finit par lui enfouir la tête dans un sac-poubelle. Le malheureux décède par suffocation.
La similitude s’arrête là. À Paris, les autorités réagissent avec célérité. Michèle Alliot-Marie, le ministre de la Défense, puis le président Jacques Chirac en personne, dénoncent un « acte condamnable », une « faute grave ». Les militaires concernés sont mis en examen et placés en détention. Ancien chef de l’opération Licorne, le général Henri Poncet est démis de son commandement, mis en examen, placé en garde à vue pendant plusieurs heures et finalement libéré, le 13 décembre. L’enquête suit son cours
Rien de tel à Fort Carson, Colorado, où le Chief Warrant Officer Welshofer a comparu devant une cour martiale, le 23 janvier. Bien que le général Tiernan Dolan lui ait, au nom de l’accusation, reproché d’avoir traité son prisonnier « comme un chien » – autrement dit de l’avoir torturé avant de provoquer, accidentellement ou non, son décès -, les six jurés ont écarté le chef d’accusation d’homicide volontaire, qui eût forcément débouché sur une lourde condamnation, pour ne retenir que l’homicide « par imprudence ». Pis, alors que Welshofer risquait quand même une peine maximale de trois ans et trois mois de détention, il n’a finalement écopé que d’un blâme, d’une amende de 6 000 dollars et de deux mois d’arrêts de rigueur. Le sous-officier a eu beau mettre explicitement en cause les instructions reçues de sa hiérarchie, aucun de ses supérieurs n’a été inquiété.
Bien entendu, les militaires français ne sont pas plus des saints que leurs collègues américains ne sont des démons. Mais les premiers disposent en Côte d’Ivoire d’un mandat onusien qui les contraint à rendre des comptes. Sanctionner fermement les coupables était en outre le seul moyen de prévenir une prévisible « sortie » de l’affaire dans les médias français. En Irak, en revanche, les Américains interviennent hors de tout cadre légal. La seule loi qu’ils reconnaissent est celle du plus fort. À leurs risques et périls.

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