Présidentielle au Mali – Ahmada Ag Bibi (RPM) : « Le scrutin est inévitable et celui qui n’y va pas se disqualifie »

À la veille de l’élection présidentielle de ce dimanche, alors que l’opposition continue d’exprimer ses doutes sur la validité du fichier électoral, Adama Ag Bibi, ancien cadre d’Ansar Eddine et député du RPM (majorité présidentielle), se veut rassurant quant à l’avancée de l’organisation du scrutin.

A Bamako, le mardi 24 juillet 2018, à quelques jours du premier tour de la présidentielle prévu le dimanche 29. © REUTERS/Luc Gnago

A Bamako, le mardi 24 juillet 2018, à quelques jours du premier tour de la présidentielle prévu le dimanche 29. © REUTERS/Luc Gnago

Aïssatou Diallo.

Publié le 26 juillet 2018 Lecture : 4 minutes.

Le palais de Koulouba, residence officielle et bureau du président de la République du Mali, Bamako, novembre 2017. © Vincent Fournier /JA/REA.
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Mali : sur un air de campagne présidentielle

Vingt-quatre candidats sont en lice pour l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali. Le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, cédera-t-il sa place ? Soumaïla Cissé, son principal rival, arrivera-t-il à s’imposer ? Quelles alliances les candidats ont-ils nouées ? Retrouvez notre dossier complet.

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Ahmada Ag Bibi, notable touareg de la région de Kidal et ancien cadre d’Ansar Eddine, est aujoud’hui député Rassemblement pour le Mali (RPM, majorité). Il revient pour Jeune Afrique sur la polémique sur le fichier électoral, les attentes de la population dans le nord et le processus de paix.

Jeune Afrique : Le président Ibrahim Boubacar Keïta, candidat à sa propre succession, était à Kidal pour faire campagne le 19 juillet. C’était la première fois qu’il s’y rendait en cinq ans. Dans quel climat a-t-il été reçu ?

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Ahmada Ag Bibi : Ibrahim Boubacar Keïta a été bien reçu à Kidal. Il y a même passé la nuit et y a rencontré les différentes couches de la société. Depuis son élection en 2013, nous avons fait face à de nombreux problèmes. Mais, depuis, la confiance s’installe de nouveau entre le pouvoir et les groupes signataires de l’accord de paix.

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Quelles sont les attentes des populations du nord du pays dans la perspective de cette élection, selon vous ? 

La première des attentes, c’est la paix. Nous souhaitons voir continuer le processus de paix et de réconciliation et voir cesser toutes les violences. La deuxième, c’est d’aller vers le développement. Le programme pour le Nord a certes eu un impact dans le domaine sanitaire et sur l’activité économique à Mopti, Gao et Tombouctou, mais ce n’est pas suffisant.

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À Kidal, par exemple, nous avons des difficultés à rouvrir les écoles en raison de l’insécurité. Il y a vraiment beaucoup de choses à améliorer dans ce domaine. C’est ce qui empêche la mise en place de certains programmes de développement de la zone. Les populations espèrent que le pouvoir qui sera élu à l’issue du scrutin fera mieux.

Tout le monde n’a pas la même lecture de l’application de l’accord

Pourquoi la mise en place réelle de l’accord de paix traîne-t-elle ?

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Tout le monde n’a pas la même lecture de l’application de l’accord, cela complique davantage les choses. Ce n’est pas le gouvernement face à un mouvement, mais à trois mouvements. Et au sein de ces mouvements, il y a également des tendances qui ne s’entendent pas entre elles… Tout cela fait qu’on a mis du temps à pouvoir se parler.

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Pour la CMA [Coordination des mouvements de l’Azawad, ndlr], par exemple, le président de l’Assemblée régionale, une fois élu au suffrage direct, devrait automatiquement être le responsable de l’administration régionale. Mais le gouvernement estime pour sa part être le responsable des collectivités locales, via l’administration territoriale. Pour lui, l’administration doit être gérée par un gouverneur nommé par le gouvernement. C’est un point de divergence important, qui a contribué à ralentir l’application de l’accord.

Mais il y a des acquis, également, comme la mise en place des autorités intérimaires. La population peut de nouveau se déplacer. Nous sommes sur la bonne voie.

Selon le porte-parole du ministère de la Sécurité, des groupes armés – signataires de l’accord de paix et non signataires – participeront à la sécurisation du scrutin. Comment interprétez-vous cela ?

À Kidal, c’est la CMA, qui s’occupera de la sécurisation de l’élection le 29 juillet. Je trouve cela positif, car ce sont des groupes signataires de l’accord. C’est un élément concret qui démontre que la confiance s’installe entre la CMA et le gouvernement.

Pourra-t-on voter partout dans le nord ?

Dans certaines petites localités, les électeurs ne pourront pas voter en raison de problèmes de sécurité. Mais la majorité des électeurs dans les circonscriptions du nord va pouvoir voter. Il y a une grande mobilisation, en terme de transports, afin que les gens des communes reculées puissent aller voter dans les chefs-lieux des régions et cercles.

Le drapeau de l’Azawad a été brandi lors de la visite du Premier ministre Boubèye Maïga à Kidal… Le gouvernement contrôle-t-il réellement la totalité du territoire national, selon vous ?

Ce sont quelques des jeunes… Ce n’est pas représentatif de l’état d’esprit actuel dans le nord.

Le lancement du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) de Kidal (des patrouilles mixtes entre soldats maliens, groupes armés pro-gouvernementaux et ex-rebelles) est-il un pas vers la paix ?

Oui. Ils sont actuellement en formation avec la MINUSMA et ne sont pas encore opérationnels. Mais c’est positif de pouvoir regrouper l’armée et les groupes pour travailler ensemble. Les mouvements ont fait parvenir des listes de tous les combattants. Ils sont identifiés dans les centres de démobilisation.

L’armée a besoin d’auxiliaires pour l’aider dans son combat

L’armée malienne est accusée de soutenir des groupes d’auto-défense sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Votre point de vue  sur ces accusations ?

Cela s’est fait en Syrie et en Irak. L’armée a besoin d’auxiliaires pour l’aider dans son combat. Mais cela doit se faire dans le cadre du respect des droits de l’homme et de la justice.

La polémique sur le fichier électoral menace-t-elle le premier tour de l’élection, dimanche ?

Je ne pense pas, car chacun sait bien qu’il faut tenir l’élection. On ne peut pas prendre en otage le pays. Ces accusations ne sont pas fondées. Le scrutin est inévitable, dimanche, et celui qui n’y va pas se disqualifie. On ne peut pas saboter un processus auquel on a participé (audit du fichier électoral). La loi sera faite par les urnes.

Mais cette remise en cause du fichier électoral ne présage-t-elle pas d’une crise postélectorale ?

Je suis un politicien, je suis à l’Assemblée, et je pense que le fichier électoral est connu de tous les partis politiques et qu’il est bon. Je ne comprends pas pourquoi on le rejette à la dernière minute. Les cartes d’électeurs sont biométriques. Le numéro du bureau de vote y est mentionné. Les choses sont plus claires qu’avant. Je ne pense pas qu’il soit possible de frauder.

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