Un air de déjà-vu

Opposant les mêmes hommes qu’en 1999, le second tour de la présidentielle devrait avoir la même issue.

Publié le 29 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Ce sera donc le duel des polygames ! Mamadou Tandja, 66 ans, contre Mahamadou Issoufou, 52 ans. L’aîné contre le benjamin de la classe politique, le colonel à la retraite contre l’ingénieur des Mines, l’homme du terroir contre l’intellectuel, le sortant versus le prétendant socialiste, dont le surnom – Zaki (le Lion) – est à lui seul tout un programme. Fixé au 4 décembre (tout comme d’ailleurs les élections législatives avec lesquelles il sera couplé), le second tour du scrutin présidentiel nigérien a un air de déjà-vu. Il opposera, comme en 1999, le candidat du Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara) à celui du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarraya), arrivés le 16 novembre en tête du premier tour, avec respectivement 40,67 % et 24,60 % des suffrages exprimés.
Mamadou Tandja, le président sortant, sollicite un second et ultime mandat, la Constitution nigérienne stipulant que le chef de l’État « est élu pour cinq ans et est rééligible une fois ». Compagnon de la première heure du général Seyni Kountché, qui dirigea le Niger de 1974 à 1987, il fut tour à tour ministre de l’Intérieur, préfet et ambassadeur au Nigeria voisin. Avec deux épouses, père de dix enfants, il a, en vain, brigué la magistrature suprême en 1993, puis en 1996, avant de voir ses efforts couronnés de succès le 24 novembre 1999. Face, justement, à son « petit frère » Mahamadou Issoufou, qu’il affrontera de nouveau le 4 décembre.
En dépit de sa jeunesse, ce dernier est un vieux briscard de la vie politique. Il fut Premier ministre de 1993 à 1994, du temps de l’éphémère alliance des « forces du changement » avec le président Mahamane Ousmane, qu’il quittera avec fracas, fragilisant l’attelage majoritaire. Natif de Illela, dans la région de Tahoua, à 550 km au nord-est de Niamey, Issoufou, deux épouses également, devient alors président de l’Assemblée nationale à l’issue d’élections législatives anticipées qu’organisera et perdra le chef de l’État. Véritable poil à gratter de la classe politique, leader du PNDS-Tarraya, considéré comme un vivier intellectuel, l’ancien directeur des mines s’invitera, à la surprise générale, au second tour de la présidentielle de 1999, avant de s’incliner face à Tandja, vainqueur avec près de 60 % des suffrages exprimés. Bon perdant, Issoufou, dont le parti est membre de l’Internationale socialiste, admettra très sportivement sa défaite, fait suffisamment rare sur le continent pour être mentionné.
Même si une compétition électorale est tout sauf une science exacte, l’issue du prochain duel entre les deux hommes paraît jouée d’avance. En effet, à moins d’un retournement spectaculaire de l’opinion, le président Mamadou Tandja est assuré de conserver son fauteuil. Et pour cause : les quatre candidats malheureux du premier tour ont appelé leurs partisans à voter pour le sortant. Ainsi de Mahamane Ousmane, actuel président de l’Assemblée nationale et leader de la Convention démocratique et sociale (CDS-Rahama), arrivé troisième avec 17,43 % des voix et qui confirme, une fois de plus, sa position de « faiseur de rois ». L’ancien chef de l’État, qui avait semblé hésiter entre les deux finalistes, a donc pris le parti de la continuité. Il reste aux côtés de Tandja, qu’il avait déjà contribué à faire élire en 1999 contre promesse du perchoir à la Chambre des députés.
Avec des scores plus maigres, Amadou Cheiffou (6,35 %), Adamou Moumouni Djermakoye (6,07 %) et Hamid Algabid (4,89 %) ont, eux aussi, fait le même pari, annihilant les derniers espoirs de Mahamadou Issoufou de devenir le huitième président d’un pays plus grand que le Sénégal, le Burkina, la Guinée, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo réunis. « C’est une bien triste nouvelle pour notre pays de voir tant d’hommes politiques se renier et jouer des coudes pour se frayer une place autour du râtelier. […] Nous faisons le constat amer que, pour certains acteurs politiques, les suffrages du peuple sont une vulgaire marchandise qu’ils vendent sans scrupules au plus offrant », déplore le PNDS-Tarraya. Les amis de Issoufou affirment avoir passé des « protocoles d’accords électoraux », à la veille du premier tour, avec Ousmane, Cheiffou, Djermakoye et Algabid. « Faux », rétorquent ces derniers, les yeux rivés sur les législatives, prévues également le 4 décembre. Il y avait, jusque-là, 83 députés sur les bancs de l’Assemblée nationale. Afin de tenir compte de « l’accroissement de la population nigérienne », ils seront, au terme de la prochaine consultation, 113.

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