Rebelote pour « le Prof »

Publié le 29 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Comment parler de John Evans Atta Mills sans évoquer Jerry John Rawlings ? Comment faire son portrait sans le comparer à celui qui fut son patron et son mentor ? Le candidat que le National Democratic Party (NDC) va présenter à l’élection présidentielle du 7 décembre passe pour poli, souriant, calme, voire effacé. Des qualificatifs qui viennent également à l’esprit quand on évoque John Agyekum Kufuor, le président sortant. Pourtant, depuis le début de la campagne électorale, celui que la plupart de ses compatriotes appellent « le Prof » et son adversaire, tous deux réputés modérés, ne cessent d’en découdre à travers
meetings et colonnes de journaux.
La bataille est d’autant plus rude que c’est la troisième fois que les deux hommes se retrouvent face à face. En 1996, Atta Mills avait gagné la partie aux côtés de Rawlings. En 2000, c’est le New Patriotic Party (NPP) de Kufuor qui avait remporté la mise. Aujourd’hui, la balle est au centre et la « belle » de décembre constitue un enjeu de taille pour le Prof. S’il peut à demi-mots se prévaloir du souvenir omniprésent qu’a laissé Rawlings et de l’aura du NDC, il aura du mal à tenir la dragée haute à Kufuor soutenu par l’ethnie la plus puissante du pays, les Ashantis.
John Evans Atta Mills, le Fanti, est né le 21 juillet 1944 dans la région centrale, aux abords de Cape Coast, et a grandi au sein de la célèbre école Achimota d’Accra. Des études secondaires suivies d’un cursus universitaire exemplaire : diplôme de droit à l’université du Ghana, à Legon, études à la prestigieuse London School of Economics, dans les années 1970, puis à l’université de Londres, où il se spécialise sur l’Afrique orientale, et, enfin, bourse Fulbright à Stanford, en Californie. Après huit ans passés sur les bancs de la fac, il franchit la barrière et enseigne le droit jusqu’en 1986. Il finit par rejoindre l’administration comme commissaire à la direction du revenu. Mais ce n’est qu’en 1996 qu’il se lance véritablement dans l’arène politique. Jerry Rawlings le choisit pour mener campagne à ses côtés. En 1997, il devient vice-président.
Habitué des amphithéâtres (Atta Mills ne doit pas au hasard son surnom de « Prof »), il n’en sort que pour faire peut-être à son corps défendant ses premiers pas politiques dans l’ombre de Rawlings. La stature imposante et haute en couleurs de l’ancien chef de l’État (voir p. 48) vaudra au tiède Atta Mills maintes railleries chez ses compatriotes. En décembre 2002, le candidat du NDC est ainsi dépeint en petit caniche à la une du Statesman, un journal progouvernemental. Il n’en assoit pas moins sa légitimité en obtenant une écrasante majorité à l’issue du congrès du NDC où l’élection du candidat à la présidentielle se tenait une première à bulletins secrets. Ou presque, car Rawlings, de son piédestal, surplombait l’isoloir.
Aujourd’hui, son illustre prédécesseur est autant un atout de poids pour lui qu’une épine dans le pied. Les déclarations à l’emporte-pièce et les méthodes agressives de l’ancien président, même s’il reste populaire au sein de certaines couches défavorisées et rurales du Ghana, trouvent de moins en moins d’échos au sein d’une population davantage préoccupée par le prix de l’essence et de l’électricité que par les appels à la révolution. Atta Mills saura-t-il la rallier à son manifeste ? « Pour un Ghana meilleur » stigmatise la corruption des fonctionnaires, la hausse des frais scolaires et des taxes à la consommation.
Saura-t-il trouver sa place de leader entre le « gentil géant » Kufuor et l’encombrant
« Jesus Rawlings »? En tout cas, il ne peut pas compter sur celui qu’il a désigné comme numéro deux pour l’y aider. Victime d’un accident de voiture qui l’a contraint à une longue convalescence, Alhaji Muhammad Mumuni a laissé John Atta Mills seul en première ligne. Pour le meilleur ou pour le pire.

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