[Tribune] L’Afrique, victime collatérale de Washington
La politique commerciale de l’administration Trump n’est pas sans conséquence sur les activités des entrepreneurs africains, mais aussi sur les finances des États et des institutions. Explications.
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Joël Té-Léssia Assoko
Joël Té-Léssia Assoko est journaliste spécialisé en économie et finance à Jeune Afrique.
Publié le 31 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.
« Lorsque les sanctions économiques frappent un pays, toutes les lignes de crédit s’évaporent. Vous ne pouvez plus parler à personne. Vous devenez un paria ! » Exilé depuis dix-huit ans en Afrique du Sud, le tycoon zimbabwéen des télécoms Strive Masiyiwa, à la tête du groupe Econet, valorisé à 3 milliards de dollars, ne peut être suspecté de sympathie envers le régime de Harare, assujetti depuis 2003 à de lourdes restrictions économiques américaines. Livré à la mi-juillet à Abuja, son témoignage projette une lumière crue sur l’impact dévastateur de ces sanctions sur les entrepreneurs privés, qu’ils soient complices ou adversaires des gouvernements visés.
Alors que l’administration de Donald Trump s’ingénie à pulvériser l’ordre économique mondial – dans le silence consterné des décideurs publics africains –, il est important de penser aux victimes collatérales africaines des oukases de Washington. Elles sont nombreuses, directement sur le continent, mais aussi à l’international, dans des pays opposés à Washington. Plus de 1 milliard de dollars de bénéfices accumulés par MTN en Iran ont été bloqués entre 2010 et 2015, pénalisant les actionnaires comme les employés du leader panafricain des télécoms – et les Trésors publics africains. Au moment du rétablissement unilatéral par les USA, en mai, des sanctions contre Téhéran, MTN comptait encore 238 millions de dollars à rapatrier d’Iran.
Des tensions commerciales difficiles à prévoir
L’offensive de Trump contre la Chine affecte aussi les institutions financières africaines. Fin mai, Mark Green, administrateur de l’USAID (l’Agence des États-Unis pour le développement international), conditionnait, implicitement, le soutien américain à la recapitalisation de la Banque africaine de développement au rejet par l’Afrique de « l’argent facile, non viable et qui hypothèque l’avenir » venu de Pékin.
Les conséquences africaines des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et l’Union européenne sont plus difficiles à prévoir. Les sanctions chinoises contre les exportations américaines de biens alimentaires peuvent bénéficier aux producteurs africains. Mais les tarifs douaniers punitifs imposés par Trump sur l’acier, l’aluminium et les véhicules menacent ces industries en Égypte et en Afrique du Sud. Cette dernière exporte 375 millions de dollars d’acier et 950 millions de dollars d’aluminium vers les USA, à peine 1,4 % des importations de Washington, mais un quart des ventes sud-africaines vers l’Amérique. Les demandes d’exemption de Pretoria ont été refusées. En cause : les votes répétés contre les positions américaines à l’ONU…
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