Comment changer l’ONU

Pour faire face aux défis du nouveau millénaire, d’illustres personnalités se sont penchées sur la réforme de l’institution. Révélations.

Publié le 29 novembre 2004 Lecture : 4 minutes.

S’achemine-t-on vers une réforme en profondeur de l’Organisation des Nations unies ? Le groupe « de haut niveau » mis en place il y a un an pour réfléchir sur le sujet remettra son rapport à Kofi Annan le 3 décembre. « Révolutionnaire » ! Du moins, à en croire les premières indiscrétions. Pour mémoire, rappelons que le secrétaire général de l’ONU avait dévoilé, le 4 novembre 2003, la composition d’un panel de seize membres (cinq Asiatiques, quatre Européens, trois Africains, deux Latino-Américains, un Australien et un citoyen des États-Unis) présidé par l’ancien Premier ministre thaïlandais, Anand Panyarachun, et au sein duquel figurent des personnalités de renom telles que la Norvégienne Gro Harlem Brundtland, ex-directrice générale de l’Organisation mondiale de santé (OMS), le Tanzanien Salim Ahmed Salim, ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), Evgueni Primakov, ancien Premier ministre de la Fédération de Russie. Ou encore l’avocat et ancien ministre français Robert Badinter et l’Égyptien Amr Moussa, actuel secrétaire général de la Ligue arabe.
Mission assignée au groupe : examiner les menaces qui pèsent sur le monde en ce début de millénaire, identifier les futurs défis à la paix et à la sécurité internationale et faire des recommandations sur les changements qui s’imposent pour permettre à l’ONU d’y faire face avec plus d’efficacité. Au terme d’une année de travail et après six séances plénières, dont l’une s’est tenue à Addis-Abeba en présence de représentants de la société civile, le résultat est là : un document d’une centaine de pages, étayé, précis, qui provoquera certainement un séisme au sein d’une institution censée fêter, l’an prochain, son soixantième anniversaire.
Parmi les « menaces » répertoriées par les seize « sages », on peut retenir les problèmes socio-économiques, les conflits internes, les génocides, les armes de destruction massive, le terrorisme, le crime organisé. « Il a fallu tenir compte des priorités des uns et des autres, trouver des compromis, confie un familier du dossier. Ce qui représente une menace grave pour la sécurité d’un Américain ou d’un Européen ne l’est pas obligatoirement pour un Asiatique ou un Africain. Et vice versa. Les Africains, par exemple, sont davantage préoccupés par les problèmes économiques ou l’apparition de nouvelles maladies infectieuses que par le terrorisme. »
Pour réformer l’ONU et, au-delà, l’ensemble du système international tel qu’il fonctionne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils font plusieurs recommandations pour renforcer la capacité d’action de l’Organisation en la dotant de plus de moyens politiques, humains et financiers. Ainsi que de nouvelles structures, tel cet organe exclusivement dédié « à la paix et à la reconstruction » dont les intéressés recommandent vivement la création. « Il faut éviter la répétition de certaines erreurs passées, souligne la source citée plus haut. En Haïti, par exemple, l’ONU est intervenue au milieu des années 1990 pour restaurer le président élu, Jean-Bertrand Aristide. Puis nos observateurs sont partis en laissant derrière eux quelques policiers. On connaît la suite. Il aurait fallu rester plus longtemps afin d’aider à la consolidation de la paix. »
Deux recommandations du rapport susciteront, à n’en pas douter, la controverse. La première a trait aux fameuses armes de destruction massive, la seconde à la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, plusieurs fois annoncées au cours des dernières décennies, puis vite oubliées. Les membres du panel suggèrent carrément d’interdire l’accès aux armes de destruction massive à de nouveaux pays. Quitte à affronter les critiques de ceux qui pourraient s’interroger sur les motifs d’un traitement pour le moins discriminatoire. « Les États qui disposent déjà de ces armes doivent arrêter les tests, établir un code de bonne conduite et promettre de ne jamais les utiliser contre ceux qui n’en ont pas », explique, sans forcer la conviction, un membre du groupe.
Concernant la réforme du Conseil de sécurité et le choix de nouveaux membres permanents, le panel soumet deux hypothèses à l’appréciation de Kofi Annan, comme pour laisser aux organes dirigeants de l’ONU le soin de trancher. Une position d’autant plus compréhensible qu’il faut, pour modifier la Charte de San Francisco (1945), le vote favorable des deux tiers des membres de l’Assemblée générale et l’accord unanime des cinq membres permanents actuels du Conseil de sécurité qui en compte, au total, quinze.
Dans la première configuration, les rapporteurs proposent un Conseil de sécurité de vingt-quatre membres. Soit neuf de plus qu’en ce moment, dont six nouveaux membres permanents [un pays européen, un d’Amérique latine, deux d’Afrique et deux d’Asie]. Deuxième hypothèse de travail : toujours vingt-quatre membres, avec un non-permanent supplémentaire et huit nouveaux membres permanents rééligibles tous les quatre ans. Petite précision : dans les deux cas, aucun des nouveaux promus dans le saint des saints ne disposerait du droit de veto. Autant dire qu’ils seraient membres permanents du Conseil de sécurité sans avoir les mêmes privilèges que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine.

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