Youssou Ndour

Mbalax et hit-parade.

Publié le 10 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

N’eût été son tube planétaire de 1994, « Seven Seconds », en duo avec Neneh Cherry, on serait tenté de mettre entre parenthèses la carrière de Youssou Ndour. Mais ce serait négliger sa dimension de star des stars de la musique sénégalaise depuis plus de vingt ans, ignorer cette voix chaleureuse et haut perchée à la fois, une des plus extraordinaires qu’il ait été donné d’entendre en Afrique.
Certes, ce fils d’un mécanicien et d’une griotte, né en 1959 dans la Médina de Dakar, est parvenu à fusionner, dans les années soixante-dix, tradition et modernité au sein de son premier groupe, l’Étoile de Dakar, et à imposer le mbalax sur la scène nationale. Toutefois, force est de constater, après dix-huit albums, que ce son complexe et difficilement « dansable » n’a jamais dépassé les frontières de l’Afrique de l’Ouest (« Seven Seconds », son unique tube, n’ayant plus rien du mbalax). Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé !
« You » avait très vite compris, contrairement à ses collègues congolais, que les musiciens sénégalais devaient, pour réussir, s’imposer en Occident. Dès 1985, il signe avec EMI-France et sort l’album intitulé Nelson Mandela, puis il va de major en major : Virgin (pour The Lion et Set) et Sony Music (pour Eyes Open et Wommat), aidé de ses amis du show-biz, Peter Gabriel et Spike Lee. Résultat : des chiffres de vente honorables, mais sans plus.
Que faut-il alors retenir du personnage Ndour ? D’abord la figure d’un chanteur plus concerné par les problèmes de société que par la politique proprement dite : la sécheresse au Sahel, la drogue, l’émigration, le refus des déchets toxiques des pays industrialisés, etc. Ainsi participe-t-il au concert pour Mandela à Londres, en 1988, à la tournée mondiale d’Amnesty International en 1989 et à bien d’autres événements humanitaires.
Mais Youssou Ndour est aussi et surtout ce chanteur qui estime que « l’Afrique souffre d’abord de son manque de confiance envers les Africains ». Ne plus dépendre financièrement de l’Occident dans le domaine culturel, un vieux rêve que caressent de nombreux musiciens du continent noir. À cette différence près que l’idole du Sénégal, le seul artiste avec Fela à ne pas s’être exilé sous les cieux européens, met les bouchées doubles et crée une dynamique économique sans précédent. À partir de 1985, il met sur pied, tour à tour, sa société de production et d’édition, la Saprom, une société de location de matériel de sono et d’éclairage, un studio d’enregistrement baptisé Xippi financé à 75 % sur ses fonds, une entreprise de duplication de cassettes et, enfin, son label, Jololi (qui vient de lancer avec succès les chanteurs Cheikh Lô et Babacar Faye). Son « empire », comme le qualifient ses détracteurs, lui offre ainsi une totale autonomie et une réponse pertinente aux problèmes que connaît la musique africaine (piratage…). Avantage supplémentaire, loin d’être négligeable au Sénégal : il lui permet de fournir du travail à près d’une centaine de personnes. Youssou Ndour ou le « prototype » de l’artiste africain du XXIe siècle ?

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