Miriam Makeba

« Mama Africa » : la mémoire des townships.

Publié le 10 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Miriam Makeba ne parle pas beaucoup. Elle pose sur le monde qui l’entoure un regard scrutateur, parfois las. Africaine du siècle ? Elle ne semble pas très sûre de mériter ce vocable. « Je suis d’abord une chanteuse. Auparavant, j’étais vraiment quelqu’un d’ordinaire. Puis j’ai regardé autour de moi, je n’ai vu que souffrance. Je me suis dit qu’il était impossible de se contenter de la musique. J’ai pris ce que je voyais et je l’ai mis dans mes chansons : la joie comme les tourments. Je suis restée une citoyenne, simplement, je me soucie de ce qui se passe autour de moi. »
À Paris, elle loge chez son bassiste camerounais, fait ses courses au marché africain de la rue du Château-Rouge. Sa vie, vaste voyage à travers toute la planète, au gré des concerts et des exils, a été semée de grandes tragédies et de quelques bonheurs. Née en 1932 à Johannesburg, en Afrique du Sud, elle est la première chanteuse, pour ne pas dire l’unique, à avoir conquis un public occidental avec des mots zoulous, sothos, ou xhosas et les fameux « clic », ces claquements sonores de la langue. Son style est inclassable : jazz ? folk ? « Chanteuse africaine », aime-t-elle à répondre. Bannie de son pays en 1963 pour avoir publiquement dénoncé le système répressif de Pretoria, trente-deux ans se sont écoulés avant qu’elle ne foule à nouveau le sol de sa patrie. Entre-temps, elle a vécu une belle et douloureuse histoire d’amour avec Stokely Carmichael, le leader des Black Panthers, aux États-Unis puis en Guinée, et a perdu sa fille unique, Bongi.
Après l’élection de Nelson Mandela à la présidence, Miriam Makeba est retournée vivre à Pretoria, à quelques kilomètres de la township où elle avait grandi. Depuis six ans, la vie n’est pas facile, mais Makeba n’est pas déçue par la lenteur des réformes. Elle sait que ce sont les bébés noirs et blancs qui vivent actuellement ensemble dans les crèches qui composeront la véritable nation arc-en-ciel dont rêvent les anciens militants de l’ANC.
Makeba continue de chanter, en Afrique et en Europe. Elle est accompagnée de sa petite-fille, Zenzi, devenue choriste, et même, parfois, de son arrière-petit-fils, Lindelani, un bambin espiègle qui adore jouer de la batterie de toutes ses forces. Pour joindre le geste à la chanson, celle que l’on appelle aujourd’hui « Mama Africa » a créé une fondation pour les jeunes filles des townships en difficulté et finance la réfection d’un ancien foyer de travailleurs, cédé par la municipalité de la ville de Siyathemba et destiné à devenir une première maison d’accueil. Nouveau défi, nouveau combat, la luta continua !

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