RDC – Tedros Ghebreyesus : « L’OMS a pu compter sur les communautés locales pour combattre Ebola »

En moins de trois mois, l’OMS et ses partenaires ont réussi à endiguer l’épidémie d’Ebola qui s’était déclarée début mai en République démocratique du Congo (RDC). Interview de son directeur général, Tedros Ghebreyesus.

Un agent de santé de l’OMS vaccinant un agent contre Ebola, qui ira ensuite vacciner des personnes susceptibles d’avoir le virus à Mbandaka, au Congo (photo d’illustration). © Sam Mednick/AP/SIPA

Un agent de santé de l’OMS vaccinant un agent contre Ebola, qui ira ensuite vacciner des personnes susceptibles d’avoir le virus à Mbandaka, au Congo (photo d’illustration). © Sam Mednick/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 30 juillet 2018 Lecture : 4 minutes.

« Cette nouvelle est inquiétante, mais nous sommes mieux armés que jamais pour lutter contre Ebola. » En mai 2018, le docteur Tedros Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), se veut rassurant, mais tire la sonnette d’alarme : en République démocratique du Congo (RDC), des malades ont été signalés. Un communiqué de l’OMS précise : « Contrairement à d’autres flambées d’Ebola dans le pays, celle-ci a touché quatre endroits distincts, dont un centre urbain ayant des liaisons fluviales avec la capitale et les pays voisins. » La ville de Mbandaka, qui compte un million et demi d’âmes, a vite été concernée par l’épidémie. Un motif d’inquiétude sérieux pour les autorités : on peut gagner Kinshasa par le fleuve Congo depuis cette ville, en une dizaine de jours seulement.

En 2013, une vague d’épidémie, partie de Guinée Conakry, avait causé 11 310 décès en Afrique de l’Ouest. L’image de l’OMS est plus qu’égratignée : de nombreux observateurs avaient considéré que l’institution avait été lente à répondre. Lors d’une interview avec Jeune Afrique en août 2017, « Tedros », ancien ministre de la Santé en Éthiopie, à la tête de l’OMS depuis quelques semaines seulement, donnait son sentiment : « Ebola a été un drame, mais aussi une bonne leçon pour le monde. Cette crise a prouvé que nous n’étions pas préparés à faire face à ce type de phénomène. »

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Argent et partenaires

Mais le 24 juillet dernier, le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga, a annoncé la fin de l’épidémie, quelques semaines seulement après son déclenchement. En tout, 33 personnes sont décédées depuis le début de l’épidémie, le 8 mai. Et le DG de l’OMS fait le déplacement à Kinshasa pour applaudir les équipes déployées sur le terrain, en compagnie de la directrice régionale pour l’Afrique de l’institution, Matshidiso Moeti (voir encadré plus bas).

Un agent de santé vérifie, le 2 juin 2018, la température des personnes qui descendent d'un avion à l'aéroport de Kinshasa, en RDC.. © Sam Mednick/AP/SIPA

Un agent de santé vérifie, le 2 juin 2018, la température des personnes qui descendent d'un avion à l'aéroport de Kinshasa, en RDC.. © Sam Mednick/AP/SIPA

En plus d’augmenter nos capacités internes, nous avons étendu nos partenariats pour pouvoir puiser dans un groupe plus large d’experts locaux et internationaux

Cette fois, la réactivité de l’OMS est unanimement saluée. « Notre fonds propre pour les situations d’urgence a été mobilisé dans les heures qui ont suivi le début de l’épidémie, libérant 2 millions de dollars. Des fonds supplémentaires ont été mobilisés dans les jours qui ont suivis auprès de nombreux donateurs », explique Tedros Ghebreyesus. Fournitures et spécialistes sont acheminés rapidement au cœur du pays. Un peu plus de 250 experts sont vite dépêchés sur place, parmi lesquels une trentaine de fonctionnaires guinéens. Dans cette région isolée, tout est à installer. En plus de laboratoires mobiles, une tour cellulaire est montée.

« Nous avons tiré des leçons de l’épidémie de 2014. En plus d’augmenter nos capacités internes, nous avons étendu nos partenariats pour pouvoir puiser dans un groupe plus large d’experts locaux et internationaux. Nous avons rationalisé le flux d’informations et le processus de déploiement, qui nous permettent d’être plus opérationnels », continue Ghebreyesus. Parmi d’autres, la Monusco, mission onusienne en RDC, a prêté main-forte pour acheminer personnel et matériel.

La stratégie de la « vaccination en anneau »

Dès le 21 mai, l’OMS annonce sa stratégie : la « vaccination en anneau ». On suit d’abord tous les contacts d’un cas confirmé d’Ebola, puis « les contacts des contacts ». 50 « anneaux » de 150 personnes sont suivies de près dès le mois de mai. Avant juin, plus de 7 500 doses du vaccin développé par les laboratoires américains Merck ont déjà été expédiées sur place. Plus de 3 000 personnes sont finalement vaccinées. Pour la première fois, un vaccin est utilisé contre Ebola au début d’une épidémie. La technique suppose enquêtes, fourniture de soins et recherche de contacts… Pour tout cela, il n’y a pas que les partenaires institutionnels.

J’ai été très touché de voir les survivants eux-mêmes travailler dans un engagement communautaire

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Le DG de l’OMS explique : « Travailler en étroite collaboration avec les communautés nous a permis d’identifier les personnes malades et de les prendre en charge, puis d’identifier les personnes qui étaient en contact avec ces cas et qui risquaient de développer la maladie. J’ai été très touché de voir les survivants eux-mêmes travailler dans un engagement communautaire. Ils ont formé une association pour discuter des risques d’Ebola avec leur communauté et encourager toute personne malade à se faire soigner. »

Les acteurs de la crise

Tedros Ghebreyesus s’est beaucoup appuyé sur deux personnalités de son institution pour combattre cette épidémie d’Ebola :

  • Peter Salama, directeur du Programme de gestion des situations d’urgence de l’OMS
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Médecin australien, diplômé d’Harvard, il a été en poste en Éthiopie et au Zimbabwe pour l’Unicef. Il a aussi été directeur régional de l’organisation en Afrique du Nord. Épidémiologiste, il a travaillé sur le VIH et sur Ebola, toujours pour cette institution.

  • Matshidiso R. Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique

Cette citoyenne botswanaise, médecin de formation, devient en 2015 la première femme à occuper le poste de directeur régional de l’OMS pour l’Afrique. Elle opère depuis Brazzaville. Elle a notamment travaillé avec l’Onusida, dont elle était directrice du Bureau pour l’Afrique et le Moyen-Orient avant d’intégrer l’OMS dans les années 1990. Et reste très attentive à la lutte contre le VIH dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

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