Cesaria Evora

Une diva aux pieds nus bien dans ses baskets.

Publié le 10 décembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Née le 24 août 1941 à Mindelo, petit port de l’île São Vicente de l’archipel du Cap-Vert, Cesaria Evora a réussi, après quarante ans de passables tribulations sur sa terre natale, ce que bien peu d’artistes africains peuvent se vanter d’avoir accompli : réaliser un époustouflant crossing over entre les peuples en hissant la morna, ce spleen capverdien qui oscille entre douceur et meurtrissure sur un rythme chaloupé et suave, au stade de musique universelle.
C’est à l’âge de 16 ans qu’elle commence à chanter en faisant la tournée des cafés. Puis, la radio la sollicite, ce qu’elle considère comme une véritable consécration, même si elle reçoit à peine 2 FF par chanson interprétée. Ses apparitions dans les soirées privées ou dans les bars de Mindelo lui sont monnayées en émoluments symboliques : un dîner, quelques verres de whisky et de cognac.
Au moment où le pays accède à l’indépendance, en 1975, les affaires du port périclitent, les étrangers desquels Cesaria obtenait sa principale rémunération s’en vont. Elle estime qu’elle a passé l’âge d’aller chanter en douce pour la bonne société. Elle en a surtout assez qu’on utilise sa voix sans qu’elle en tire bénéfice.
Au début des années quatre-vingt, une organisation féministe monte un spectacle pour la faire sortir de son indigence, puis l’envoie à Lisbonne en 1985 pour enregistrer un album collectif de morna sous la direction de Bana, auteur-compositeur par lequel toute la musique capverdienne transite. Le disque est une réussite, mais Cesaria n’est pas satisfaite. La voix du Cap-Vert c’est elle et elle ne veut partager la vedette avec personne d’autre. Un jeune producteur, José Da Silva, profite de cet orage pour lui faire enregistrer un disque à Paris. Après la sortie de La Diva aux pieds nus en 1988, il frappe aux portes des multinationales du disque pour révéler au grand public ce coup de cur. Toutes lui ferment la porte au nez. Comment miser le moindre kopeck sur cette dame noire ronde, enlaidie, au strabisme prononcé et réputée pour son penchant pour la boisson‑? José Da Silva continue d’y croire, même s’il s’égare un peu en essayant de plier Cesaria aux goûts électriques du public capverdien. Distinto di belita en 1990, où se côtoient des compositions acoustiques et des titres mixés, est un échec. Délaissant définitivement les synthés et les boîtes à rythmes avec lesquels Cesaria n’est pas à l’aise, il fait le pari de revenir à l’acoustique et produit Mar azul en deux jours dans les conditions du direct. Sorti en 1991, l’album envahit les ondes occidentales qui en redemandent. Cesaria, dont l’image a complètement été ravalée, enchaîne les enregistrements. Miss perfumado en 1992, Sodade en 1994, Cesaria en 1995, Cabo verde en 1997 et Café atlantico en 1999 font le tour du monde. Hier, pauvre chanteuse des bars, « Cize » goûte, à la cinquantaine passée, aux fruits d’un art accompli sur les plus belles scènes internationales. Un succès qui ne semble pas lui tourner la tête : elle vit toujours à Mindelo avec sa mère et refuse obstinément de se chausser sur scène.

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