Ruée vers l’or noir

Dans la foulée du permis Chinguetti, le gouvernement devrait approuver le développement de deux nouveaux gisements pétroliers. De quoi aiguiser l’appétit des plus grandes majors.

Publié le 29 novembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Londres, vendredi 19 novembre 2004. Dans le salon feutré d’un hôtel huppé du quartier de Knightsbridge, la Mauritanie vient de finaliser avec la société britannique Sterling Energy PLC un accord de financement de 130 millions de dollars, assorti d’un bonus de 15,5 millions de dollars. Ce pays, qui compte parmi les plus pauvres du monde, a pris pied dans l’exploration pétrolière et s’apprête à rejoindre le club envié des exportateurs d’or noir.
C’est la compagnie australienne Woodside qui a découvert, au large des côtes, à 90 km de Nouakchott, le plus important gisement du pays. Avec les fonds souscrits, et outre les royalties et les prélèvements fiscaux qui lui reviennent de droit, l’État mauritanien exerce une option contractuelle qui lui permettra d’acquérir 12 % des parts de la société chargée d’exploiter le permis Chinguetti (bloc 4 zone B), puis 16 % aux alentours de septembre 2006.
« C’est un moment historique », a déclaré Zeidane Ould Hmeida, ministre mauritanien des Mines et de l’Industrie, qui a scellé l’accord avec Harry Wilson, président de Sterling. Pour mobiliser les fonds, cette dernière s’est en effet adressée à la Bourse de Londres, où elle est cotée sur le marché alternatif. La demande des investisseurs sur les actions Sterling a été plus forte que les 570 millions d’actions mises en vente, qui représentent 41 % de son capital. « Le marché financier a ainsi marqué sa confiance : il mise non seulement sur les perspectives pétrolières de la Mauritanie, mais aussi sur sa stabilité politique et économique », a déclaré Hmeida, réaffirmant par la même occasion la volonté du président Ould Taya d’encourager l’investissement étranger.
L’exercice de l’option consiste pour la Mauritanie à payer sa quote-part sur les 600 millions de dollars que Woodside a engagés pour explorer le périmètre de Chinguetti et assurer son développement. Grâce à elle, Nouakchott encaissera des revenus supplémentaires et participera directement à toutes les décisions relatives aux opérations et à la gestion. Ainsi, note Hmeida, « nous ne nous contenterons pas de toucher les royalties et les droits fiscaux prévus par l’accord de partage de la production ».
L’État mauritanien devient ainsi le deuxième partenaire de Woodside – après Hardman Resources (19 %) – dans l’exploitation de Chinguetti, tout en bénéficiant, par ailleurs, de l’expertise de Sterling. Cette société, créée en octobre 2002 et spécialisée dans les participations à risques dans plusieurs pays comme les Philippines, le golfe de Mexico et la Guinée-Bissau, devient, indirectement, actionnaire dans l’exploration de Chinguetti, aux côtés de Woodside.
En marge de la finalisation de cet accord, les experts pétroliers londoniens se sont montrés plus diserts que les responsables mauritaniens, qui préfèrent ne pas s’avancer sur les perspectives pétrolières du pays. Selon les informations recueillies par J.A.I., la production commercialisable à Chinguetti devrait démarrer en décembre 2005, avec, officiellement, 70 000 à 75 000 barils par jour (b/j). Depuis septembre déjà, les plates-formes flottantes West Navigator et Stena Tay sont entrées en action au large des côtes mauritaniennes : 11 puits ont été creusés, dont 6 pour la production, 4 pour l’injection d’eau et 1 pour l’injection de gaz. Selon les calculs des experts, la part qui reviendrait à l’État mauritanien oscillerait entre 57 % et 62 % des recettes après déduction des coûts de production du projet Chinguetti, en fonction du coût du baril, tandis que celle de Woodside et de ses partenaires se situerait entre 39 % et 45 %. En contrepartie de son financement, le partenaire Sterling recevrait entre 2,1 % et 2,5 %.
Selon des informations confidentielles, le gouvernement mauritanien se prépare à approuver, dans la foulée de Chinguetti, le développement de deux autres gisements. Celui de Tiof I (qu’il faut désormais désigner sous le nom mauritanien de Oualata I) entrera en production vers septembre 2006, avec 60 000 à 75 000 b/j supplémentaires, et celui de Tiof II (Oualata II) en juin 2007, avec encore 70 000 à 80 000 b/j. Ainsi, à l’horizon 2007, la Mauritanie figurerait parmi les six premiers producteurs africains, avec une production estimée à 180 000-250 000 b/j.
En outre, toujours selon nos sources, un nouveau gisement de gaz naturel a été découvert en octobre 2004 à Tevet I, non loin de Chinguetti. Son développement permettrait une production supplémentaire estimée entre 50 000 et 100 000 barils-équivalents pétrole par jour, soit en moyenne autant que Chinguetti. Le développement de Tevet I devrait porter la production journalière de la Mauritanie à environ 300 000 barils-équivalents pétrole en moyenne et par jour.
Le sous-sol et les fonds marins mauritaniens n’ont pas pour autant dévoilé tous leurs secrets. Officieusement, les réserves du champ pétrolier de Chinguetti sont estimées à 126 millions de barils. Mais les experts rencontrés à Londres comme à Nouakchott sont unanimes : elles dépassent ce chiffre et pourraient même atteindre 150 millions de barils. À cela s’ajoutent les réserves récupérables de Tiof I et Tiof Ouest (jusqu’à 400 millions de barils) et celles majoritairement gazières de Banda (500 millions de barils-équivalents pétrole). Sans parler des blocs en cours d’exploration, aussi bien en offshore qu’en onshore.
Au total, la Mauritanie recèle des réserves suffisantes pour que les compagnies pétrolières se bousculent au portillon. Parmi elles figurent les majors, comme la française Total, avec laquelle un nouvel accord serait sur le point d’être finalisé, l’espagnole Repsol, qui s’était intéressée au financement, mais s’est vu coiffer au poteau par Sterling, et, enfin, la britannique BG (British Gas), déjà minoritaire dans le permis Chinguetti (avec 10 % des parts). Une ruée vers l’or noir telle que les analystes internationaux intègrent désormais la Mauritanie dans le groupe des producteurs qui pèseront dans l’évaluation des perspectives pétrolières africaines.

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