Maroc : investissement, social et patriotisme… Mohammed VI fixe ses priorités
Dans son discours prononcé dimanche à l’occasion de la fête du Trône, le roi du Maroc a insisté sur la nécessité des réformes sociales et d’un cadre favorisant l’investissement, se montrant critique à l’égard de ce qu’il a qualifié d' »anomalies » administratives. Sans nommer le Hirak, le mouvement de colère qui a agité le Rif, il a également lancé un appel à la stabilité.
« Le roi prend directement en charge la question sociale car il estime que le gouvernement et la classe politique ont failli. Il ne fera de cadeau à personne. Cet engagement n’est pas sans risques sur sa propre popularité, les attentes étant immenses. » Le commentaire vient d’un proche du Palais, au lendemain du discours du Trône prononcé par Mohammed VI. Le roi du Maroc a en effet pointé des réformes à mener, n’hésitant pas à en fixer le calendrier.
Un discours prononcé à Al Hoceima
Il a notamment appelé à « faire adopter la Charte de déconcentration administrative avant la fin du mois d’octobre prochain. » Le but : accompagner une politique de régionalisation, gage de développement local.
Le discours est prononcé depuis Al Hoceima, épicentre des manifestations du « Hirak », le mouvement de mécontentement social qui a émaillé les années 2016 et 2017. S’il n’y est pas fait directement allusion, le mouvement de colère est évoqué en filigrane dans le discours royal. Le roi était arrivé en début de semaine dans la ville, à bord d’un bateau en provenance de M’diq, où il passe une partie de ses vacances. C’est sa première visite depuis le début du mouvement, en octobre 2016.
Autre sujet sur lequel le monarque appelle le gouvernement à « agir avec célérité » : la nouvelle Charte de l’investissement. En juillet 2016, le ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique, Moulay Hafid Elalamy, présentait au monarque un plan de réforme de l’investissement dont la révision de la Charte de l’investissement, datée de 1995, était un point majeur. Là encore, le pari est aussi de décentraliser.
Le roi entend « activer la réforme des Centres régionaux d’investissement en leur accordant les prérogatives nécessaires pour remplir leur mission ». Et d’insister sur le fait que cela « permettra de mettre un terme aux blocages et aux prétextes invoqués par certains départements ministériels ». Quelques jours auparavant, l’examen et l’adoption du projet de loi relatif à la réforme des Centres régionaux d’investissement (CRI) avait été reportée lors d’un conseil de gouvernement, le temps d’y apporter des précisions.
Rationalisation
Depuis plusieurs années maintenant, les discours royaux se font volontiers critiques à l’égard du gouvernement et de la fonction publique. Cette fois, le roi a notamment stigmatisé certaines incohérences organisationnelles. Il a ainsi appelé – toujours afin de faciliter l’investissement – à fixer « à un mois le délai maximal accordé à certaines administrations pour répondre aux demandes qui leur sont adressées dans le domaine de l’investissement ».
Le Maroc est à la 69e place (sur 190 pays) du classement Doing Business 2018, publié par la Banque mondiale. Et le roi de condamner la désorganisation de certains services en exhortant « toute administration publique [à] demander, de la part d’un investisseur potentiel, des documents ou des informations qui sont déjà en possession d’une autre administration publique ».
La question sociale a été l’autre sujet central du « khitab » [discours], les deux sujets étant étroitement liés, selon Mohammed VI. Là encore, ce dernier s’est montré critique. « Il est insensé que plus de cent programmes de soutien et de protection sociale […] soient éparpillés entre plusieurs départements ministériels et de multiples intervenants publics. […] Ces programmes empiètent les uns sur les autres… »
Le monarque a notamment appelé à « redresser les anomalies qui entachent l’exécution du programme de couverture médicale Ramed ». Le 19 juillet, l’Observatoire national du développement humain rendait un rapport sur ce régime d’assistance médicale, six ans après sa généralisation. Plusieurs faiblesses y sont relevées. Morceau choisi : « Le ciblage du Ramed n’assimile malheureusement pas les plus pauvres. »
Le Rif
En juillet 2017, le discours de la Fête du trône relevait déjà de la réprimande : « Si le roi du Maroc n’est pas convaincu par certaines pratiques politiques, s’il ne fait pas confiance à nombre de politiciens, que reste-t-il donc au peuple ? », avait-il alors lancé.
Si, cette fois, le roi n’a pas abordé directement la question de la contestation dans le Rif, la situation sociale avait été plus directement au cœur de son discours de 2017. Il avait alors notamment pointé du doigt les retards dans les projets de développement local. Une allusion au programme « Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit – phare de la Méditerranée », dont le retard, du fait de rivalités partisanes notamment, a contribué à exacerber la colère.
Cette année, le monarque a mis en garde contre les « négativistes » et les « nihilistes et autres marchands d’illusions ». Une allusion à certains manifestants ? Certains le pensent. Le monarque a vanté la vertu du patriotisme et appelé à préserver la « stabilité » du pays. Un mot qui s’est installé de manière régulière dans les discours royaux au cours des dernières années.
Un communiqué du Palais indique par ailleurs que Mohammed VI a tenu une réunion à Al Hoceïma, le jour même du discours, en présence de Saâdeddine El Othmani, le chef du gouvernement, et de différents ministres, notamment ceux de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, de l’Économie et des Finances, Mohamed Boussaid, et de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique, Moulay Hafid Elalamy.
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