« Villes mortes » au Cameroun – Rebecca Enonchong : « Notre hub à Buea fermera à l’approche des élections »

La cofondatrice et PDG d’AppsTech témoigne de la situation à Buea, où des scellés ont été apposés lundi sur le bâtiment d’ActivSpaces, l’incubateur qu’elle préside, suite à l’opération « villes mortes » au Cameroun.

Marché de Buea © Bmnda, CC, wikimedia Commons

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Publié le 1 août 2018 Lecture : 2 minutes.

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Cameroun : les véritables victimes de la crise anglophone

La crise qui sévit dans les régions anglophone du Cameroun depuis plus d’un an, qui voit des violences récurrentes entre sécessionnistes armés et forces gouvernementales, ne faiblit pas. De l’Église aux entreprises en passant par les populations, le point sur les victimes et conséquences de ce conflit qui s’installe dans la durée.

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À Buea, la capitale du Sud-Ouest du Cameroun, le maire Patrick Ekema poursuit sa croisade contre les entreprises qui respectent le mot d’ordre de « ville morte » le lundi, comme l’exigent les séparatistes anglophones.

Ainsi, le 30 juillet, accompagné d’une douzaine d’agents armés des forces de l’ordre, il a fait apposer vers 16 h 30 des scellés sur le bâtiment où sont hébergés Camtel, l’opérateur public de téléphonie, l’incubateur ActivSpaces et la société de microcrédit First Trust. « Le pire, c’est qu’ils n’ont pas vérifié si la consigne était respectée ou pas. Pour un start-uper, il n’y a pas d’horaire, et ils étaient six à travailler à l’intérieur. Ils ont heureusement pu partir par la deuxième porte », raconte au téléphone Rebecca Enonchong, qui préside ActivSpaces et est placée à la 33e place de notre classement des 50 Africains les plus influents.

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« Les personnes concernées ont eu très peur. Entre les quatre-vingt-treize jours de coupure d’Internet l’année dernière et ces histoires de « villes mortes » et de scellés, cela devient de plus en plus difficile pour les entrepreneurs camerounais, qui sont nombreux à avoir quitté le pays », relate la PDG et fondatrice d’AppsTech. Le Cipesa, une organisation de promotion des TIC (Technologies de l’information et de la communication) en Afrique orientale et en Afrique australe, avait estimé à 38,8 millions de dollars les conséquences du black-out subi par les régions anglophones au premier trimestre 2017.

Les PME plus vulnérables

Mais pour Rebecca Enonchong, le risque n’est pas seulement financier. « Il en va aussi de la sécurité des personnes. D’ailleurs, je pense qu’à l’approche de la présidentielle, nous allons fermer nos hubs pendant un mois ou deux, afin de ne pas être au milieu de ce qu’il pourrait se passer », précise-t-elle, alors que le scrutin est prévu pour le 7 octobre prochain.

À Buea, le maire a fini par permettre le levé des scellés le 31 juillet au soir. Mais les entrepreneurs d’ActivSpaces avaient déjà retrouvé le chemin du travail : « Nos locaux accueillent des entreprises plus grandes et plus puissantes, qui n’ont pas eu peur de lever les scellés. Pour les petites entreprises, c’est beaucoup plus compliqué », explique la spécialiste des nouvelles technologies.

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« Le scellé a beau n’être qu’un bout de papier, le déchirer, cela signifie de s’exposer à de la prison », témoigne en effet un entrepreneur, dont les locaux sont restés clos du 23 juillet au matin au 1er août, mettant une vingtaine de personnes au repos forcé. « Les banques peuvent se permettre de rouvrir, parce qu’avec leur puissance économique, elles ont plus de marge pour négocier. Mais pour les PME, c’est différent. Même l’association que nous avons voulu créer au début de 2017, quand la crise a commencé, nous a été refusée », explique-t-il.

Pourtant, pas question pour lui de signer le mémo proposé par la mairie et de s’engager à exercer son activité le lundi. « Là, c’est l’enlèvement, voire la mort qu’on risque », assure-t-il. Patrick Ekema, que Jeune Afrique a tenté de joindre à plusieurs reprises, était « indisponible » ce 1er août.

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