Images douces contre l’excision
Sans en avoir l’air, ces scènes du quotidien dans un village du Burkina valent le plus ardent plaidoyer.
Publié le 29 novembre 2004 Lecture : 1 minute.
On pourrait croire que c’est un roman, tant le style est fluide et l’écriture vivante, mais il s’agit d’un récit. Sur un sujet pour le moins difficile : l’excision. Mais tout de suite on s’attache aux personnages, le jeune Karamogo, la petite Bagnina et Badoro la maman rebelle. Grâce aux photos, petites étiquettes en noir et blanc ou pleines pages explosant d’émotion, le lecteur a l’impression de vivre dans le village de Zaba, au Burkina Faso. Il suit ses habitants dans leurs activités quotidiennes et est amené à comprendre pourquoi les anciens tiennent tant à cette coutume sanglante qui consiste à mutiler le sexe des petites filles pour marquer leur appartenance à la communauté. On perçoit aussi le changement des mentalités, qui arrive avec la modernité, et le moment où la tradition devient un poids. Pourtant, Dominique Voinçon, l’auteur du texte, a su éviter la pesanteur de la sociologie et le piège de la sensiblerie.
La seconde partie du livre est exclusivement réservée à la photographie. On y prend la mesure du travail de Benoît Lange, rendant compte de la vie quotidienne de tout un village sans tomber – lui non plus – dans le documentaire sociologique. Ses modèles ont posé devant l’objectif, mais avec chaleur et décontraction. L’expression n’est ni figée ni forcée. De cette complicité naît une sorte de familiarité, le lecteur danse avec les masques au rythme des tambours, s’attendrit sur le sourire du bébé, chasse au bout du fusil de Modou.
Il ressort de cet ensemble une idée-force : l’excision est une opération douloureuse, inutile et mutilante. Sans en avoir l’air, ce livre est un plaidoyer. À noter, en manière de postface, les coordonnées d’un médecin français spécialiste dans la réparation des dommages causés par l’excision (voir J.A.I. n° 2257).
