Il faut sauver le village de Bada

La désertification au Mali à travers le parcours d’un jeune émigré en France.

Publié le 29 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Le thème – la désertification en Afrique – peut sembler à première vue… aride. Pourtant, ce documentaire(*) intelligent et sensible est à ne pas manquer. Il traite d’un problème crucial qui, contrairement aux idées reçues, n’a rien à voir avec l’avancée du désert. Lèpre silencieuse, la désertification désigne la perte de fertilité des sols et menace un cinquième de la population mondiale, particulièrement en Afrique où deux tiers des surfaces cultivables sont en danger. La subtilité du film est d’examiner ce phénomène complexe à travers le parcours de Sékou Bathily, un jeune Malien qui a quitté son village de Bada, à 30 kilomètres de Kayes au Mali, il y a quatorze ans, car « il ne pouvait pas vivre en cultivant la terre ». Les Nations unies estiment que la désertification est, depuis vingt ans, la principale cause d’émigration dans ce pays.
Lorsqu’il arrive en France, Sékou traverse toutes les galères de la clandestinité et vit des longues périodes de chômage. Déterminé, il arrive à s’en sortir en s’inscrivant à une formation d’électricien, grâce à la bienveillance du professeur. « Voyant que j’étais bon élève, il m’autorisait à suivre les cours même si je n’étais pas en règle », raconte-t-il. En 1997, les lois Chevènement lui permettent d’obtenir des papiers en bonne et due forme. Depuis, il est « réparateur d’ascenseurs » et partage une chambre minuscule d’un foyer de Montreuil, dans la proche banlieue de Paris, avec cinq de ses compatriotes. Il économise au maximum et envoie, chaque mois, 50 % de son salaire à sa famille restée au Mali. « Si nous sommes en France, c’est malgré nous », déclare l’un de ses colocataires. Pour Sékou, l’exil est un « sacrifice », loin de sa femme et de ses deux petits enfants, qu’il ne voit qu’une fois par an.
Toute son énergie, il la consacre au développement de son village. En 1996, il a créé une association, Bada France, et financé la création d’une école communautaire ainsi que d’un centre d’alphabétisation pour adultes. Frappé, chaque fois qu’il retourne au village, par la dégradation croissante de l’environnement, il se transforme également en photo-reporter et prend des dizaines de clichés érosion des sols, berges crevassées, arbres coupés – qu’il consigne soigneusement dans un album. « Quand j’étais petit, les rendements des terres étaient beaucoup plus élevés, se souvient-il. Il y avait des forêts avec des sangliers, des porcs-épics et toutes sortes de gibiers. Aujourd’hui, tout a été déboisé. Résultat, à la saison des pluies, l’eau dévale la colline et emporte la couche arable du sol. » Lorsque Éric Mounier débarque au foyer de Montreuil à la recherche d’une association porteuse d’un projet lié à l’environnement, on lui présente Sékou et, immédiatement, le courant passe entre les deux hommes.
Sékou mûrit son projet pendant une année et, peu à peu, le scénario prend forme. Les initiatives de l’Institut français de recherche et développement (IRD) en matière de lutte contre la désertification et de reboisement, notamment dans la région de Tombouctou et de Bourem, vont servir de fil rouge au film. Le réalisateur suit le voyage de Sékou, chercheur improvisé, à travers le Mali. Le jeune homme utilise ses vingt-cinq jours de congés annuels à trouver les solutions idoines pour « sauver Bada » de la désertification. De Bourem à Niono, en passant par Tombouctou et même Bougouni, ville de la zone cotonnière au sud du pays, il sollicite des conseils et découvre comment le changement climatique, la surexploitation des terres et la déforestation anarchique menacent l’environnement et la survie des populations.
La caméra d’Éric Mounier est discrète et sensible. Elle saisit avec justesse les expressions des visages et les scènes du quotidien. La scène d’arrivée à Bada et les retrouvailles de Sékou avec sa famille et son vieux père, aujourd’hui presque aveugle, sont très émouvantes. Le film offre également de superbes panoramas du Mali, des dunes de sable de Tombouctou à l’immensité du fleuve Niger jusqu’aux champs de coton du Sud. Enfin, et peut-être surtout, le personnage principal, Sékou Bathily, est aussi attachant qu’exceptionnel. La volonté et le courage qu’il met à oeuvrer pour le développement et la sauvegarde de son village sont, tout simplement, exemplaires.

* Moi Sékou, mon exil, mon village, mon combat, d’Éric Mounier, est diffusé sur France 5 le lundi 29 novembre à 16 h 45.

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