Tunisie : opération séduction envers les expatriés
La start-up AlloBledi a érigé un « Village » entièrement dédié aux Tunisiens résidents à l’étranger revenus au pays le temps des vacances. L’objectif est de prolonger leurs liens familiaux en attachements économiques et culturels.
C’est par hasard, en voulant se promener le long de la plage de La Marsa que ce couple d’expatriés, installé à Oman depuis cinq ans, a découvert le « Village » réservé aux Tunisiens résidents à l’étranger (TRE). « Je cherche justement à investir dans un appartement confortable pour notre retour prochain. Cette initiative est sympa, car le consulat ne propose rien », explique le trentenaire, financier dans un banque internationale. Le couple s’est arrêté plusieurs minutes devant le Tunis.
Le « village », installé à La Marsa, ville balnéaire au nord de Tunis, jusqu’au 7 août avant de se délocaliser dans la zone touristique de Port el Kantaoui à Sousse du 10 au 20 août, propose sur 800 m² une trentaine d’exposants, de l’immobilier au secteur bancaire en passant par la santé ou encore l’artisanat traditionnel.
« Portefeuilles sur pattes »
Samir Bouzidi, à l’initiative de cette première édition, a décidé de venir à la rencontre des TRE sur leur site de vacances – 750 000 sur 1,3 million de TRE sont attendus cet été en Tunisie – pour les séduire. « Il faut renouer la confiance entre les expatriés et le pays. C’est triste à dire, mais la Tunisie ne les considère que comme des portefeuilles sur pattes », se désole Samir Bouzidi, fondateur de la startup AlloBledi qui aide les TRE à investir et à revenir en Tunisie.
Et pour cause : les Tunisiens de l’étranger n’investissent que peu dans leur pays d’origine : 1,9 milliard de dollars (1,5 milliard d’euros), soit 4,8 % du PIB selon la dernière étude de la Banque mondiale, publié en avril. C’est le montant le plus faible en Afrique du Nord, loin derrière, par exemple, le Maroc (7,5 milliards de dollars et 6,7 % du PIB).
La faute à des incitations devenues obsolètes. Selon AlloBledi, 40 % des transferts d’argent concernent le remboursement de crédits immobiliers. Or, l’offre est en perte de vitesse car le crédit immobilier n’est plus attractif : « Le taux du marché monétaire est très élevé [le TMM est le taux auquel les banques s’empruntent et se prêtent de l’argent entre elles. Il était de 7,25 % juillet en Tunisie, NDLR]. Si on rajoute les 3 % à 4 % de marge des banques, on atteint les 10 %, c’est énorme ! Les demandes se sont effondrées », constate le promoteur immobilier où le couple d’Oman s’est arrêté.
Séjours touristiques ciblés
« Aujourd’hui, les Tunisiens résidents à l’étranger ont en moyenne 45 ans et sont plutôt éduqués, ce sont des agents économiques rationnels. Ils ont un affect pour la Tunisie, c’est évident, mais ils ne vont pas investir si ce n’est pas intéressant contrairement à la première génération », détaille Samir Bouzidi qui estime, par ailleurs, qu’en Tunisie, les transferts informels représentent autant que les investissements officiels.
L’entrepreneur aimerait voir les banques proposer des comptes rémunérés en devises à un taux satisfaisant. En France, où résident 800 000 Tunisiens, la rémunération de l’épargne plafonne à 0,75 % : « Si tu proposes un taux à 2 % ou 3 %, l’argent va arriver rapidement », assure-t-il.
Au-delà de l’aspect purement économique, Samir Bouzidi souhaite que la Tunisie, à l’instar du Maroc, tente de séduire les TRE, dont 80 % sont en Europe, à moins de trois heures d’avion du pays, en leur proposant notamment des séjours touristiques ciblés pour qu’ils renouent avec leur histoire, des cours d’arabe, etc. Le coup de foudre attendra : la Douane était invitée à présenter un stand, mais a finalement refusé d’envoyer des employés quand elle a découvert que le Village était ouvert en soirée, de 17 h à 1 h du matin, pour profiter de la fraîcheur…
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