Zimbabwe : « L’intervention de l’armée après le vote a envoyé un signal inquiétant »

Réélu dès le premier tour avec 50,8% des voix, le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa fait face à la colère des partisans de Nelson Chamisa, candidat du MDC-Alliance arrivé second (44,3%), qui conteste les résultats du scrutin. Mark Stevens, chef adjoint de la mission d’observation de l’Union européenne, livre son analyse.

La police zimbabwéenne est intervenue lors d’une conférence de presse de l’opposition, le 3 août 2018. © Jerome Delay/AP/SIPA

La police zimbabwéenne est intervenue lors d’une conférence de presse de l’opposition, le 3 août 2018. © Jerome Delay/AP/SIPA

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Publié le 6 août 2018 Lecture : 3 minutes.

Ce devait être l’occasion de prouver que le Zimbabwe avait enfin tourner la page, après 38 ans de présidence de Robert Mugabe. Fini les scrutins frauduleux minés par les violences, les élections « harmonisées » du 30 juillet, comme elles ont été baptisées, devaient représenter le « nouveau Zimbabwe » dont le Emmerson Mnangagwa se charge de faire la promotion depuis son arrivée au pouvoir en novembre dernier.

L’ancien vice-président du « camarade Bob », âgé de 75 ans, avait garanti des élections crédibles et libres pour rassurer les investisseurs séduit par sa nouvelle devise : « Le Zimbabwe est ouvert aux affaires ». Pour preuve de sa bonne foi, le pouvoir zimbabwéen avait, pour la première fois depuis 2002, convié plusieurs missions d’observation pour surveiller le bon déroulement du scrutin.

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Réélu dès le premier tour à l’issue d’un vote dont les résultats sont depuis contester par l’opposition, Mnangagwa appelle au calme alors que la police et l’armée, celle qui l’a porté au pouvoir il y a peine neuf mois, durcit sa répression envers l’opposition. Mark Stevens, chef adjoint de la mission d’observation de l’Union européenne, revient pour Jeune Afrique sur le déroulement du scrutin et la crise post-électorale.

Jeune Afrique : Cela faisait 16 ans qu’il n’y avait pas eu de missions d’observation internationale pour une élection au Zimbabwe. Quel bilan tirez-vous du processus électoral ? 

Mark Stevens : Après les événements de novembre, le départ de Robert Mugabe et l’arrivée au pouvoir d’Emmerson Mnangagwa, il y a eu une large campagne d’invitation pour des missions d’observation. Il y avait la volonté de mener un processus ouvert et transparent pour montrer qu’il y avait un réel changement. Et je dois avouer que la période de la pré-campagne montrait des signes encourageants.

Notre mission est arrivée en juin sur place pour suivre la période avant le vote et, contrairement aux précédentes élections, l’espace politique était plus libre, les partis d’opposition ont pu mener campagne. Dans le même temps, nous avons soulevé quelques motifs de contrariété, notamment une couverture biaisée des médias locaux, ainsi que des menaces et intimidations dans certaines zones.

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Quelle était l’atmosphère le jour du vote?

Tout d’abord, il faut souligner l’important taux de participation (plus de 70 % NDLR.).  Les rapports de nos agents sur le terrain ont été dans l’ensemble positifs même si il y a eu quelques couacs et de la confusion dans certains bureaux de vote. On nous a rapporté des cas de refoulement d’électeurs dont le nom ne figurait pas sur le fichier électoral. Mais dans l’ensemble l’atmosphère était paisible.

>> À LIRE : Présidentielle au Zimbabwe : Emmerson Mnangagwa face à Nelson Chamisa, un duel à l’issue incertaine


Deux jours après le vote, l’armée a tiré sur les manifestants. Vendredi, elle a perturbé une conférence de presse de l’opposition. Depuis, des ONG ont rapporté des cas d’agressions et d’intimidations… quelle est votre réaction à ces événements ?  

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L’intervention de la police et de l’armée lors de la manifestation de l’opposition quelques heures après le vote a envoyé un signal inquiétant. Dès que les informations nous sont remontées, après l’arrivée de l’armée au rassemblement de l’opposition mercredi, nous avons réagi avec les autres missions d’observation sur place pour condamner ces violences et appeler au calme.

Cette réponse des forces de sécurité  était disproportionnée. C’est dommage, surtout que cette élection se déroulait déjà dans un fort climat de tension et de défiance sur la capacité de l’armée à rester en marge du processus électoral.

Emmerson Mnangagwa avait promis des élections « crédibles », mais aujourd’hui, l’opposition continue de contester les résultats. Comment le Zimbabwe peut-il sortir de cette impasse? 

L’opposition a toujours la possibilité de déposé un recours en justice. Ils ont sept jours à partir de la déclaration des résultats. L’enjeu, pour les prochains jours, désormais réside dans les détails. Même si il y a eu une forte mobilisation le jour du vote, les gens ont une confiance limitée dans la commission électorale zimbabwéenne (ZEC).

Pour l’opposition celle-ci est acquise au pouvoir. Le problème est que la ZEC n’avait, dès le début, pas réussi à bâtir de bonnes relations avec les partis d’opposition. Pour apaiser la situation, il faut désormais qu’elle donne plus de précisions sur le processus de décompte des bulletins. Ce n’est pas tout de dire tel candidat a eu tant de votes. Maintenant, il faut plus de transparence pour que les gens comprennent comment on est arrivé à ces résultats.

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