Putsch avorté en direct

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Une dépêche de Moroni, datée du 22 septembre, annonce l’arrestation dans la capitale comorienne de Morad Aït Habbouch, journaliste indépendant, en reportage pour l’émission Lundi investigation de la chaîne cryptée française Canal +. Selon le procureur Idi Bazia, notre confrère serait impliqué dans une tentative de putsch contre le président Assoumane Azali. Ses complices ? Me Saïd Larifou, avocat franco-comorien et opposant au régime, Philippe Verdon, un proche du célèbre mercenaire Bob Denard, et Pascal Luppart, militant de l’extrême droite française et barbouze à ses heures.

Saïd Larifou est arrivé aux Comores la deuxième semaine de septembre, accompagné de Philippe Verdon, son « conseiller en communication ». Ce dernier est connu des services comoriens, mais les autorités de Moroni ne s’inquiètent pas outre-mesure. C’est la publication d’un article, le 13 septembre, dans La Lettre de l’océan Indien, qui attire leur attention. On y décrit le « pari de Larifou » : déstabiliser le régime par des manifestations de rue. C’est donc par la presse que les autorités de Moroni apprennent que des marches contre la dégradation du pouvoir d’achat sont programmées par le Rassemblement pour l’initiative et le développement d’une jeunesse avertie (RIDJA, un parti présidé par Larifou). Cinq manifestations sont prévues entre le 15 et le 21 septembre, la dernière devant être une marche sur la présidence. Rien d’illégal s’agissant des activités d’un opposant. Sauf que la tentative de déstabilisation tourne à la tentative de putsch. Le « conseiller en communication », Philippe Verdon rencontre, le 18 septembre, le commandant Ayouba Combo, numéro trois de l’état-major comorien. Il lui dit en substance : « La rue va bouger et marcher sur Beïti Salam. Peut-on compter sur l’armée pour faire tomber Azali et le remplacer par Larifou ? » Pour convaincre le commandant, Verdon invoque les récents coups d’État en Centrafrique et en Guinée-Bissau, qui ont emporté les régimes en place sans que cela émeuve l’opinion publique nationale et internationale. Si Verdon a choisi de s’adresser à Ayouba Combo, c’est parce que celui-ci était l’officier comorien le plus haut gradé dans la garde présidentielle du temps où Denard faisait la pluie et le beau temps à Moroni.
Ayouba Combo demande un délai de réflexion, puis met au parfum sa hiérarchie. Ordre lui est donné de jouer le jeu et d’aller plus loin pour obtenir des preuves. Il rencontre à nouveau Philippe Verdon, le 20 septembre, mais cette fois, il est muni d’un dictaphone et enregistre toute la conversation. Verdon donne les détails de l’opération, assure qu’elle a l’assentiment du Quai d’Orsay et de la DST. Cette cassette audio est l’une des pièces à conviction dont dispose le parquet de Moroni.
Le jour même, Verdon et Larifou rendent visite à Amine Kalfane, un commerçant prospère de Moroni, pour obtenir la bénédiction des milieux d’affaires comoriens. Kalfane les met poliment à la porte.

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L’homme d’affaires est aujourd’hui un témoin à charge. Il a confirmé, devant le magistrat instructeur, les propos qui lui ont été tenus. Autre preuve accablante : le courrier électronique de l’ordinateur de Philippe Verdon, qui aurait envoyé plusieurs messages à des « cercles français » pour qu’ils soutiennent le « président » Larifou.
Le rôle d’Aït Habbouch dans le « complot » ? Il devait être celui qui immortaliserait l’événement en filmant sa préparation, son déroulement et son épilogue. Les cassettes vidéo saisies par les autorités de Moroni devraient constituer un autre élément à charge.
La tentative de putsch intervient au moment où le président Azali est aux États-Unis où il a rencontré Condoleezza Rice, la conseillère à la sécurité de George W. Bush. Ordre du jour : comment éviter que les Comores ne deviennent une base de repli pour les réseaux terroristes.

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