Présidentielle au Mali : au QG de Soumaïla Cissé, des opposants partagés entre soulagement et amertume

Après la publication des résultats provisoires du premier tour, Soumaïla Cissé savoure sa victoire, rendue malgré tout amère par un score décevant. Sa priorité en vue du second tour : multiplier les ralliements.

Soumaïla Cissé, lors de son discours le 3 août 2018. © REUTERS/Luc Gnago

Soumaïla Cissé, lors de son discours le 3 août 2018. © REUTERS/Luc Gnago

Aïssatou Diallo.

Publié le 3 août 2018 Lecture : 4 minutes.

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Présidentielle au Mali : dernière ligne droite

Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé s’affrontent dimanche 12 août pour le deuxième tour de la présidentielle malienne. Si le premier bénéficie d’une confortable avance, le second croit encore dans ses chances de retourner la situation. Le point ici sur les résultats, les ralliements, l’enjeu de l’abstention et les défis sécuritaire et organisationnels du scrutin.

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Dans le bâtiment vert blanc qui héberge l’équipe de campagne de Soumaïla Cissé, les visages sont fatigués. Ses conseillers ont travaillé jusque tard dans la nuit pour préparer la déclaration du chef de file de l’opposition.

Réunis dans une salle attenante, les militants commentent les résultats, rendus publics la veille au soir, avec d’autant plus de déception que, malgré la présence de leur candidat au deuxième tour, les écarts se sont creusés entre les deux hommes par rapport à la présidentielle de 2013. Le président sortant a en effet enregistré 1,6 point de plus que son score au premier tour de la dernière présidentielle, alors que son principal challenger, lui, est en recul de 1,9 point. De quoi entretenir l’amertume.

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Ils évoquent une « fraude massive », des « bureaux totalisant plus de suffrages exprimés que d’électeurs inscrits » ou encore du « flou » autour des bureaux dans lesquels le scrutin n’a pu se tenir. « Il y a 716 bureaux où on n’a pas pu voter, selon les autorités. Mais le ministère n’a publié qu’une liste de 644 bureaux. Qu’en est-il des autres ? », lance Amadou Sangaré, jeune militant, serrant dans sa main une feuille de résultats.

Tous affichent pourtant un optimisme de rigueur. « Nous sommes satisfaits », lance un autre militant. « Le but était de contraindre le pouvoir à aller au second tour. Les compteurs sont remis à zéro ! ».

Dans les couloirs, on discute à bâtons rompus sur la stratégie à adopter dans les jours à venir. Nouhoun Sarr, conseiller et porte-parole de Soumaïla Cissé, nous confie : « Nous allons déposer un recours au vu des irrégularités que nous avons constatées. Le pouvoir en place a mis en œuvre tous les moyens pour gagner au premier tour. Mais au vu des résultats, plus de Maliens ont voté contre IBK que pour lui. »

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Soumaïla Cissé appelle à un vote anti-IBK

À l’extérieur, un camion-sono diffuse des chansons vantant les mérites de « Soumi champion » devant une centaine de militants impatients. À midi, enfin, Soumaïla Cissé sort de son QG et se dirige vers le podium, accompagné de son directeur de campagne, Tiébilé Dramé, et de son adjointe, Diakité Kadidja Fofana.

La stratégie du « tako kélen » a été mise en échec

L’hymne de l’Union pour la république et la démocratie (URD) résonne, repris en chœur par la petite foule, le poing levé. Soumaïla Cissé prend la parole. Ses mots sont durs : « Fraude », « bourrage honteux des urnes »… Les résultats publiés « sont le fruit de grosses irrégularités et de violations délibérées de la loi électorale. Nous ne les accepterons pas ! » lance-t-il sous les acclamations de la foule.

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Le ton monte encore lorsqu’il évoque celui qu’il affrontera pour la deuxième fois. En 2013, IBK avait remporté le scrutin avec l’écrasant score de 77,6%. « La stratégie du « tako kélen » [victoire au premier tour, ndlr] a été mise en échec. Leurs plans, leurs rêves, leurs chimères d’une victoire dès le premier tour se sont évanouis devant la détermination de notre peuple, martèle l’opposant. Le 29 juillet, il y a eu un vote-sanction contre le président sortant : la sanction d’un homme, d’un bilan, d’une gouvernance. La sanction de l’arrogance d’État. La sanction de la gouvernance du mépris ! »

« Boua dessera ! » (Boua – « Le vieux », surnom donné à IBK – a échoué) lui répond la foule, sous un tonnerre d’applaudissements. « Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie malienne, un président sortant est contraint à un second tour. Grâce à vous ! »

Appels du pied et tractations

Mais cette déclaration a surtout été l’occasion pour Soumaïla Cissé de faire des appels du pied. « J’invite les autres candidats à la constitution d’un large front démocratique contre la fraude, pour la transparence électorale, pour l’alternance, le changement et la rupture avec la mauvaise gouvernance… »

 Nous avons été approchés par les deux gagnants. Mais aucune décision n’a encore été prise

Dans les coulisses, les tractations ont débuté depuis quelques jours déjà. Les ralliements les plus convoités sont ceux d’Aliou Boubacar Diallo, arrivé en troisième position avec 7,95%, et de Cheick Modibo Diarra (7,46%).

« Nous avons été approchés par les deux gagnants du premier tour, et pour l’instant nous les écoutons. Mais aucune décision n’a encore été prise. Nous devons mener des discussions à l’interieur du parti ainsi qu’avec nos soutiens, comme le chérif de Nioro, afin de prendre leur avis », explique le député ADP-Maliba et co-directeur de campagne de Aliou Boubacar Diallo, Ahmadou Thiam.

Mais, à en croire un membre de l’équipe de campagne de Soumaïla Cissé, Cheick Modibo Diarra fait peser le mystère sur ses intentions, ne laissant paraître aucun signe de préférence pour un camp ou l’autre. « S’il ne choisit pas rapidement un camp et veut jouer la stratégie du « ni, ni », il risque de se retrouver bien seul, car dans ses rangs nombreux sont ceux qui veulent soutenir l’opposition », met en garde un proche de Soumaïla Cissé.

Une réunion rassemblant les candidats qui avaient émis des doutes sur la crédibilité des résultats avant même leur publication était en cours, vendredi après-midi, pour discuter de la suite. « Nous envisageons deux possibilités : soit nous rejetons tous ensemble les résultats, soit nous demandons plus de temps pour préparer le second tour et corriger les anomalies constatées », résume Ahmadou Thiam.

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