L’œil de Glez – Burkina : un « pétanquegate » à Ouagadougou ?
Tempête dans un verre d’eau ? Le tout Ouaga estival débat de la décision d’interdire la pétanque à l’un des accusés dans le procès du putsch manqué de 2015. Dans les forums de la presse, on convoque tout à la fois les éléments de langage politiciens, les conseils de santé et les notions de haute sécurité…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 5 août 2018 Lecture : 3 minutes.
Si l’on en croît certains observateurs de la politique française, il est des scandales qui relèvent moins de « l’affaire d’État » que de « l’affaire d’été ». En cette trêve judiciaire burkinabè – le procès du coup d’État manqué du 16 septembre 2015 a été suspendu pour deux semaines – , l’actualité se focalise sur les activités « sportives » du deuxième plus célèbre accusé : le général Djibrill Bassolé, inculpé pour « trahison », notamment sur la base d’enregistrements de conversations entre cet ancien ministre et Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.
Dans une interview accordée au quotidien burkinabè Le Pays, le général interpelle l’opinion publique sur le fait qu’il ne peut « même plus jouer aux boules dans la cour de la résidence ». C’est le 29 septembre 2015 que l’ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré était arrêté, avant d’être incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) puis assigné en résidence surveillée, en octobre 2017.
Si Djibrill Bassolé égrène, sans relâche, un chapelet de mesures présentées comme « arbitraires » et « incompréhensibles », à commencer par l’invalidation de sa candidature à la présidentielle de 2015, c’est l’affaire de la pétanque proscrite qui fait désormais murmurer tout Ouagadougou. Pour l’inculpé, elle s’inscrit dans une volonté de brimade qui lui interdirait également de pratiquer « la simple marche à pied à l’intérieur du périmètre de sécurité ».
La justice militaire ne serait pas au courant d’une telle discipline que doit pratiquer le général
Le 23 juillet déjà, le même journal faisait état de l’interdiction du jeu de boules à l’accusé, au motif que « la justice militaire ne serait pas au courant d’une telle discipline que doit pratiquer le général ». Le brimé, qui ne croît pas à une décision du parquet militaire, a instruit ses avocats pour qu’ils éclaircissent cette formulation énigmatique dont la base légale n’est pas parvenue aux oreilles du Burkinabè lambda. L’article 163 de la loi portant régime pénitentiaire au Burkina Faso dispose, en effet, que « tout détenu a le droit d’effectuer des activités socio-culturelles et sportives », à plus forte raison un inculpé présumé innocent et concerné par de plus relatives mesures de restriction de liberté de mouvement.
Les motivations de la censure
En attendant de plus amples explications, les internautes n’ont pas manqué de s’emparer de l’affaire de la pétanque. Un certain nombre profite de l’absence d’exigence rhétorique que confèrent les forums Internet pour faire fi des questions de droit et se scandaliser de la revendication de confort de celui qui semble déjà condamné par ces posts : « Les morts du coup d’État pratiquent quelle activité sportive ? » D’autres alimentent à moindres frais le discours de victimisation développé par la Nouvelle alliance pour le Faso (Nafa), la formation politique de Djibrill Bassolé.
La boule de pétanque elle-même n’est-elle pas un « objet contondant » qui « permet d’assommer quelqu’un » ?
D’autres enfin, parfois drôles sans le savoir, émettent des hypothèses dépassionnées sur la motivation de la censure de pétanque. Le jeu de boules nécessiterait-il l’accès à une zone de la résidence susceptible d’être survolée par un hélicoptère complice ? La boule de pétanque elle-même n’est-elle pas un « objet contondant » qui « permet d’assommer quelqu’un », voire de se blesser soi-même pour exiger « une évacuation à l’extérieur » propice à une évasion ? Enfin – analyse digne des plus pointus services de décryptage -, les gestes esquissés pendant le jeu de boules ne seraient-ils pas des codes secrets dont un internaute affirme avoir entendu parler à propos de parties de golf ou de billard ?
Un dernier forumiste met tous ces contributeurs sur le même plan en s’esclaffant : « Le Burkinabè aime polémiquer hein ! Toutes ces discussions pour un jeu de pétanque. Noooonnn vous êtes forts ! »
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