« Made in Japan »

Dans les pays du Sud, la démocratisation de l’auto passe par les « seconde main ».

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ce n’est plus un luxe ou une petite fantaisie que s’offrent les Camerounais. Non, c’est une nécessité. Avec la crise des transports publics et le développement tentaculaire des villes, comme Douala ou Yaoundé, les zones d’habitation sont de plus en plus éloignées du lieu de travail. Aussi, posséder une voiture est devenu indispensable. Mais les prix ayant flambé, les automobilistes se tournent vers les véhicules d’occasion. Le marché de « l’occase » représenterait 70 % des ventes. Hormis les organisations internationales, les ambassades, la haute administration et les grosses sociétés, qui ont un penchant pour les 4×4, tous les autres, y compris les riches, achètent les « seconde main ». Même l’État s’offre parfois des occasions, pour des raisons budgétaires, mais aussi parce qu’elles sont plus rapidement disponibles. Chaque mois, ce sont quelque 3 000 occasions, toutes marques confondues, qui sont débarquées au port de Douala.
Pour la majorité des Camerounais, le prix et les services après-vente guident le choix de la marque. Les sociétés spécialisées dans l’occasion, elles, achètent en vrac, sans se préoccuper des modèles. Les allemandes, Mercedes et BMW surtout, restent des valeurs sûres, alors que les françaises sont de plus en plus rares. Mais c’est la japonaise qui a la préférence. La petite « asiatique » a donc raflé le marché, s’arrogeant aujourd’hui près de 80 % du gâteau. Et pour cause : les pièces de rechange de marques japonaises sont plus faciles à trouver. Aussi les petits mécaniciens sont-ils passés maîtres dans la retape ou la réparation de ce type de véhicules. On a donc pris l’habitude d’acheter « nippon ». Du coup, c’en est fini des célèbres Peugeot que l’on voyait, dans les années 1970, foncer à vive allure sur les pistes les plus défoncées d’Afrique.
C’est auprès des revendeurs belges, néerlandais, suisses ou allemands que l’on s’approvisionne. Plus rarement en France, où « on ne trouve pas de grands parcs de revente susceptibles de fournir d’un seul coup entre 300 et 500 voitures, voire 700 », précise Alain-Michel Pouani, directeur du groupe Pamic, spécialisé dans l’occasion, à Yaoundé. Les véhicules en provenance de Suisse sont les préférés, car ils sont mieux entretenus.
Quand ils veulent acheter une occasion, les Camerounais s’adressent généralement à des sociétés spécialisées. Certes, quelques-uns s’aventurent à passer commande directement sur Internet et font acheminer eux-mêmes leur précieux bien par bateau. Mais ils sont peu nombreux. Car le transport par bateau, c’est la galère ! Vols d’accessoires, carcasses abîmées, portes défoncées, vitres brisées… les dégâts sont fréquents au cours des escales. Les ports d’Accra et de Lagos ont mauvaise réputation ! Il faut y ajouter les dégâts liés à la manutention. Mieux vaut donc s’en remettre aux revendeurs locaux.
L’âge moyen des « occases » varie selon les usages et les bourses. Pour les taximen, la préférence ira aux voitures fabriquées entre 1984 et 1993. Question de prix et d’utilisation ! Pour les particuliers, la norme, ce sera celles construites entre 1988 et 2000. Le prix, lui aussi, varie en fonction de la date de fabrication, du type et de la qualité du véhicule. Pas moins de 2 millions à 3 millions de F CFA (de 3 000 à 4 600 euros) pour une Toyota Corolla, la préférée des chauffeurs de taxi. Une Carina coûte entre 3,5 millions et 4,5 millions de F CFA. Les Hiace d’occasion, très prisées par ceux qui veulent faire fortune dans le transport de minibus, valent, pour leur part, entre 5 millions et 6 millions de F CFA.
Si l’on compare avec les prix de « départ », en y ajoutant même les coûts de transport, compris entre 300 000 et 700 000 F CFA selon le lieu d’achat, et les frais de réparation, on se demande qui « se sert » au passage. « L’État, avec les droits de douane, les manutentionnaires, ou encore le Guichet unique. Sans oublier le racket ! Si on ne s’acquitte pas de tous ces frais, impossible de sortir la voiture du port », se lamentent les revendeurs. Pour une Corolla, ces prélèvements ont été multipliés par cinq en l’espace de dix-sept ans. Ils sont aujourd’hui proches de 800 000 F CFA. À lui seul, le coût de la manutention est estimé à 100 000 F CFA. Quant aux droits de douane, ils s’élèvent à 500 000 F CFA. Acquérir « sa première dame », c’est ainsi que les Camerounais appellent leur voiture, demande de plus en plus de sacrifices.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires