La bataille des droits de l’homme

Conscient de la mauvaise image du pays à l’étranger, le gouvernement affiche sa volonté de « consolider le processus démocratique ». Et s’engage à appliquer les recommandations onusiennes.

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Au terme d’une semaine de pourparlers, une série d’accords ont été signés, fin août, entre le gouvernement équatoguinéen et treize partis d’opposition. L’un de ces accords, le seul rendu public à ce jour, prévoit la mise en oeuvre d’une réforme constitutionnelle portant le nombre des députés de quatre-vingts à cent. Ce qui permettrait à l’opposition d’être mieux représentée au Parlement. Du coup, on ne parle plus, à Malabo, de « transition vers la démocratie », mais de « consolidation du processus démocratique ».
Cette subtilité sémantique peut surprendre. Dans le même temps, en effet, les organisations internationales de défense des droits de l’homme continuent de dénoncer les manquements à la liberté d’expression et aux règles du jeu démocratique dont ce pays est le théâtre, de même que l’insuffisance de la protection juridique dont bénéficient les citoyens. Mais il faut croire qu’après quatre élections présidentielles (1982, 1989, 1996, 2002), deux élections législatives (1993, 1999) et deux scrutins municipaux (1995, 2000), les autorités ont estimé que la transition avait assez duré. D’autant qu’une nouvelle consultation législative devrait avoir lieu au mois de mars 2004. Même si le « processus » est jugé trop lent par certains, les autorités veulent faire la démonstration qu’il n’en suit pas moins son cours.
Quant à savoir combien de temps encore durera la « consolidation » en question, nul ne se hasardera à faire un pronostic. Car s’il est une chose qu’on ne saurait reprocher au chef de l’État, c’est bien d’agir dans la précipitation : prudemment intitulé « essai démocratique », son projet d’ouverture au multipartisme avait été lancé en 1991 ! Patience, donc.
En attendant, l’heure est à la concertation. Et à l’apaisement. Placido Mico, le secrétaire général de la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), l’un des partis légaux, a ainsi été gracié, puis libéré, le 8 août, après plus d’un an d’incarcération. En juin 2002, au terme d’un procès très contesté, il avait été condamné à une peine de quatorze ans de réclusion pour « complicité d’attentat contre le chef de l’État ». Dans la foulée, une table ronde a réuni, du 20 au 27 août à Mbini, la ville natale de Mico (dans la partie continentale du pays), plusieurs membres du gouvernement et des représentants des treize partis de l’opposition dite « démocratique ». La formule désigne les formations qui, en 1993, ont accepté d’adhérer au « pacte national » proposé par le président Obiang Nguema. Satellites du pouvoir pour les uns, opposants responsables pour les autres, elles disposent actuellement de cinq sièges au Parlement. L’une d’entre elles, l’Union populaire (UP), est même représentée au gouvernement en la personne de Jeremias Ondo Ngomo, vice-Premier ministre chargé des Affaires sociales et des Droits de l’homme.
La résolution adoptée à Mbini par l’ensemble des participants, y compris Placido Mico, n’a curieusement toujours pas été publiée. Ce qui n’empêche pas un ancien ministre, toujours proche conseiller du président, de tirer un bilan globalement positif des pourparlers. « Le fait que la table ronde n’ait pas été boycottée [par l’opposition] constitue en soi un succès », explique-t-il. Reste pourtant à savoir quelle suite sera donnée aux (nombreuses) critiques formulées à l’endroit du gouvernement, notamment en ce qui concerne le non-respect des procédures électorales.
Personne ici n’a oublié que, lors de l’élection présidentielle de décembre 2002, la CPDS s’était retirée de la course à la dernière minute pour protester contre la « généralisation du vote public dans tout le pays ». Quelques heures plus tard, les quatre challengeurs d’Obiang avaient publié un communiqué commun réclamant l’annulation des résultats et l’organisation d’une nouvelle consultation. Ils dénonçaient notamment la présence dans certains bureaux de vote d’affiches de propagande à l’effigie du président-candidat, la généralisation du vote ostentatoire en faveur de celui-ci et l’omniprésence autour des urnes des membres du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), la formation au pouvoir.
Le gouvernement jure qu’il tiendra compte de ces critiques et que c’est à cette fin qu’un Comité de suivi a été mis en place à l’issue des pourparlers de Mbini. Alors que s’ouvre, cette semaine, la seconde session parlementaire de l’année, au cours de laquelle devrait être entérinée l’augmentation du nombre des députés, il semble avoir pris la mesure de l’enjeu que représente pour lui l’amélioration rapide de l’image du pays en termes de droits de l’homme et de liberté d’expression. À sa demande, le Kényan Ambeyi Ligabo, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, doit d’ailleurs entreprendre à Malabo, au cours de ce mois, une seconde mission d’observation. Au mois de février dernier, le rapport qu’il avait publié à l’issue de sa première visite avait été jugé « sévère », mais « honnête » par les autorités. Le 4 avril, à Genève, devant la Commission des droits de l’homme, Jeremias Ondo s’était même engagé, au nom du gouvernement, à « améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays » et à « appliquer les recommandations du rapporteur spécial ». Il reste six mois au gouvernement pour tenir ses promesses.

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