Hatim Elmekki

Artiste-peintre tunisien décédé à Carthage le 23 septembre à l’âge de 85 ans

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Hatim Elmekki est un artiste à la personnalité forte, complexe et un brin iconoclaste. Il appartient à la génération des pionniers de la peinture moderne dans le monde arabe. Son oeuvre éclectique et multiforme est travaillée par un souci constant d’expérimentation. Intermittente et saccadée, s’accommodant des paradoxes et des contradictions, elle a trouvé dans son instabilité même une source inépuisable de découvertes et d’innovations.

Esprit indépendant, réfractaire et désabusé, Hatim Elmekki a creusé son propre sillon, en marge des chapelles, artistiques et idéologiques. Individualiste sceptique nourri de culture élitiste, il était aussi l’un des artistes les plus engagés de sa génération. Son engagement fut d’abord national : il voulait peindre la réalité tunisienne, qui a été longtemps escamotée par la colonisation française. Puis social : il cherchait à témoigner de la réalité du peuple, dénoncer la violence, l’exploitation et la misère. Ses toiles des années 1940-1960, se caractérisent d’ailleurs par un expressionnisme véhément : constructions tourmentées, lignes tordues, formes brisées et couleurs sombres.
Né en 1918 à Djakarta, en Indonésie, d’un père tunisien et d’une mère javanaise, Hatim Elmekki passe sa prime enfance à Batavia, en Indonésie. De retour en Tunisie en 1924, après un long périple qui l’a amené, avec sa famille, à travers les villes d’Orient et d’Occident, il s’inscrit au lycée Carnot de Tunis. C’est là qu’il manifeste ses dons artistiques en réalisant notamment des illustrations murales pour les classes de latin et de grec.
Hatim Elmekki expose pour la première fois en 1934 au Salon tunisien. En 1938, il débarque à Paris où il exerce ses talents d’illustrateur dans des périodiques littéraires et réalise des travaux graphiques pour la publicité et le cinéma. Lorsque la guerre éclate, il regagne Tunis où il vivote en attendant la fin des hostilités. De retour à Paris, en 1947, il rencontre deux hommes qui l’ont marqué profondément, le peintre Jean Dubuffet et le philosophe Gaston Bachelard. Il expose aussi aux galeries Souillerot et Rosenberg. En 1951, alors que sa carrière parisienne était bien lancée, il décide de vivre à Tunis. Autodidacte touche-à-tout, il réalise des fresques, conçoit des décors de cinéma, dessine des affiches de publicité et tâte de la caricature et du dessin animé. Il réalise dès 1955 des illustrations pour l’hebdomadaire L’action, ancêtre de Jeune Afrique/l’Intelligent. En 1956-1957, il est chef du service cinéma au ministère de la Culture et donc créateur (avec Béchir Ben Yahmed notamment) du cinéma tunisien d’aujourd’hui.
Peu à peu, l’artiste se spécialise dans l’exécution de maquettes pour la monnaie métallique et de papier, ainsi que pour les timbres-poste dont il réalise plusieurs séries, aujourd’hui très prisées par les philatélistes. Il expose aussi, assez rarement certes, mais un peu partout, en Tunisie, aux États-Unis, en Chine (Pékin, 1962), en Allemagne (Mannheim, Bonn et Berlin en 1978-1979) et en Égypte (Le Caire, en 1958 et 1970). Sa dernière exposition remonte à 1988, à la galerie Alif, à Tunis.

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De l’expressionnisme le plus débridé à l’hyperréalisme le plus ancré dans le quotidien, il passait d’un style à l’autre avec une facilité déconcertante. À la fin de sa vie, il avait pris l’habitude de passer ses journées dans les galeries de la banlieue nord de Tunis. Ses reparties, toujours lucides, parfois même acides, faisaient le bonheur des visiteurs. À tous ceux-là, autant qu’à sa famille et à ses amis, sa verve manquera sans doute beaucoup.

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