Frémissements

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Ils sont juifs, et même israéliens. Ces deux intellectuels, connus et respectés dans leur pays et dans le reste du monde, ont le courage d’aller à contre-courant de l’opinion majoritaire israélienne du moment. Ce qu’ils viennent d’écrire dans des journaux à grand tirage, et que je cite pour sa pertinence, vaudrait à tout autre qu’eux d’être taxé d’antisémitisme :
1) Zeev Sternhell (historien).
« Ceux qui décident de l’avenir d’Israël sont conscients que, loin d’éradiquer le terrorisme, ils ne font que le renforcer, mais ils sont convaincus qu’il nous faut payer ce lourd tribut si nous voulons détruire la capacité des Palestiniens à maintenir une existence nationale. À leurs yeux, l’annihilation de toute résistance de la part de la population et la ghettoïsation des Territoires sont une condition sine qua non pour garantir l’avenir d’Israël. […] Leur objectif stratégique n’est pas une paix fondée sur le compromis, mais bien l’assujettissement total des Palestiniens. De leur point de vue, la guerre ne prendra fin que le jour où les Palestiniens accepteront sans condition la mainmise israélienne sur les Territoires.
« Nos dirigeants sont des gens froids et lucides. Ils mènent une guerre politique, précise et délibérée, qui n’est que le prolongement de la politique d’occupation et de destruction des Territoires, visant à y empêcher toute possibilité d’émergence d’un État souverain. […] Jamais ils ne nous libéreront de ce cycle infernal, à moins que ce pays ne connaisse un soulèvement populaire comparable à ceux qui se sont produits après la guerre du Kippour ou la guerre du Liban. […] Oui, le temps est venu aussi pour les intellectuels de descendre dans l’arène. » (Dans Le Nouvel Observateur daté 18-24 septembre 2003.)

2) Avi Shlaim (professeur de relations internationales, auteur de Israël et le monde arabe).
« La détérioration des accords d’Oslo a commencé avec l’assassinat de Rabin et l’arrivée au pouvoir en mai 1996 du Likoud dirigé par Benyamin Netanyahou. Le Likoud jugeait les accords d’Oslo incompatibles avec la sécurité d’Israël et avec le droit historique du peuple juif à avoir la mainmise sur la totalité de la terre d’Israël. Netanyahou a consacré le plus clair de son temps, au cours de ses trois années au pouvoir, à enterrer le processus d’Oslo et à diaboliser son principal architecte palestinien – et y a largement réussi.
« Israël a montré une capacité remarquable à accepter les plans de paix en théorie et à les faire échouer dans la pratique. La dernière victime de cette stratégie à deux visages est la « feuille de route » conçue par le Quartet – les États-Unis, l’ONU, l’Union européenne et la Russie – le 1er mai.
« L’Autorité palestinienne a approuvé la feuille de route et a commencé à l’appliquer avant même qu’elle soit rendue publique. Sharon a obtenu de Bush trois reports avant de la publier et a ensuite proposé quatorze amendements destinés à la torpiller. » (Dans le New York Times daté du 24 septembre 2003.

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Une hirondelle ne fait pas forcément le printemps. Mais on perçoit, parmi les Israéliens et la diaspora juive, le début d’un frémissement : manifestations du mouvement « La Paix maintenant », refus d’un petit nombre de pilotes israéliens de participer aux assassinats ciblés qui leur font tuer par ricochet des innocents (voir « En vérité », p. 28).
Les interlocuteurs arabes de l’État hébreu, qui s’appliquent à donner des arguments politiques et l’espoir d’une solution pacifique à ceux des Israéliens qui veulent une paix équitable avec leurs voisins, font oeuvre utile, tandis que ceux qui pensent pouvoir négocier quoi que ce soit avec l’actuel pouvoir israélien se mettent le doigt dans l’oeil.

Il faut être sourd, aveugle, et même stupide pour croire qu’on peut s’entendre avec un Ariel Sharon pour apaiser le conflit israélo-arabe. Celui que George W. Bush a eu le culot d’appeler « un homme de paix » clame urbi et orbi qu’Israël doit continuer la guerre, c’est-à-dire tuer et détruire, pendant au moins quinze ans pour s’approprier définitivement encore plus de territoire palestinien (58 % de ce qui est encore occupé) et asseoir par la force sa présence dans la région.
On ne négocie pas avec un tel homme, on n’entretient pas de relations avec lui, on le combat pour le faire échouer.
On s’emploie à faire en sorte que son peuple, qui a eu tort de l’élire, l’écarte du pouvoir : en démocratie, les peuples ont le droit de se tromper, le devoir – et la possibilité – de corriger.

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