Donnant, donnant

En octroyant un prêt de 8,5 milliards de dollars à Ankara, Washington espère recevoir en retour un coup de main en Irak.

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Si Ali Babacan, le ministre turc de l’Économie, et John Snow, le secrétaire américain au Trésor, affichaient des mines épanouies, ce 22 septembre, ce n’était pas pour les mêmes raisons. L’un a reçu, au nom de son pays, un prêt de 8,5 milliards de dollars ; l’autre espère, en retour, une « aide » de la Turquie en Irak. Quoi qu’il en soit, l’accord signé à Dubaï, en marge de la réunion annuelle du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, ne peut avoir qu’un effet positif sur des relations bilatérales plutôt tendues ces derniers mois.
Le prêt, remboursable sur dix ans, est si avantageux – taux inférieur à ceux du marché et facilités de crédit – qu’il équivaut à un don de 1 milliard de dollars. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Horst Koehler, le directeur du FMI, a félicité le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, pour les efforts accomplis par son gouvernement. Il est vrai que les Turcs n’ont guère d’autre choix que la politique d’austérité imposée par le Fonds…
L’ont-ils davantage sur le plan politique ? Officiellement, l’octroi du prêt américain n’est « aucunement lié » à un envoi de troupes turques en Irak. Pourtant, nul n’ignore que l’administration Bush cherche du renfort. La Turquie lui apporterait la caution d’un pays musulman, qui a fait ses preuves dans des opérations de maintien de la paix, en Bosnie ou au Kosovo, et dont l’armée est habituée à combattre la guérilla (les séparatistes kurdes de l’ex-PKK, rebaptisé Kadek, en l’occurrence).
Aux yeux de Washington, Ankara a beaucoup à se faire pardonner : le 1er mars, les députés turcs avaient refusé le déploiement de 62 000 soldats américains sur leur sol pour ouvrir un front nord contre l’Irak.
Mais le 4 juillet, onze membres des forces spéciales turques, soupçonnés de préparer un attentat contre le gouverneur (kurde) de Kirkouk, avaient été capturés sans ménagement par des GI’s à Souleymaniya (nord de l’Irak). Du coup, la Turquie se fait prier et pose ses conditions. Elle demande aux Américains de l’aider à éradiquer le Kadek (5 000 de ses combattants sont repliés dans le nord de l’Irak). Et exige que ses « frères » turkmènes soient mieux représentés au sein du Conseil de gouvernement transitoire irakien (un seul « ministre »).
Certes, elle paraît avoir renoncé à ses visées sur le nord de l’Irak. Mais si elle consent à envoyer 10 000 hommes au nord et à l’ouest de Bagdad – dans une zone particulièrement exposée -, ce sera à des fins strictement « humanitaires », sous commandement autonome et à l’invitation du gouvernement irakien (à défaut d’une résolution des Nations unies).
Or les Kurdes d’Irak, « amis » des Américains, ne veulent pas que les Turcs, eux aussi « amis » des Américains, posent le pied chez eux. Des susceptibilités que la Maison Blanche devra ménager, en attendant un vote du Parlement turc. Ce dernier reprend ses sessions le 1er octobre. Et là encore, rien n’est joué, même si l’état-major et le gouvernement semblent cette fois favorables à une intervention.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires