2 000 dollars TTC

Les constructeurs proposent des produits adaptés au pouvoir d’achat des pays émergents.

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Cest aux États-Unis, sous l’impulsion d’Henry Ford, que l’automobile a trouvé sa vocation universelle. Son idée était que ses compatriotes aux revenus modestes devaient pouvoir s’offrir une voiture. Il mit donc en oeuvre les moyens nécessaires pour faire baisser leur prix de fabrication, tout en payant plus cher ses employés. Un pari dont on connaît le succès.
En Europe, le développement des marchés fut plus tardif, la démocratisation de l’automobile n’intervenant véritablement qu’après la Seconde Guerre mondiale, pendant les Trente Glorieuses. L’Asie du Sud-Est arriva ensuite. Les premiers constructeurs y apparurent après la guerre, mais ce n’est qu’à partir des années 1970 que leurs marchés se développèrent vraiment. Le reste du monde connaît des situations diverses, mais, hormis quelques pays comme l’Afrique du Sud, le nombre de véhicules par habitant y est encore faible, l’automobile restant réservée à une élite fortunée. Pourtant, avec la saturation des marchés des pays développés et le besoin pour les industriels d’accroître leurs ventes, les pays émergents commencent à susciter un vif intérêt.
La question est maintenant de savoir de quels types de voitures ces pays ont besoin et, surtout, s’il est possible de leur proposer des produits de qualité à des tarifs qui ne soient pas hors de portée des acheteurs potentiels. Le prix est évidemment l’argument majeur, en ce qui concerne les marchés de masse tout au moins. Les petites voitures actuellement produites, conçues pour les pays développés, sont à la fois trop chères et mal adaptées aux conditions de circulation dans les pays émergents. Pour séduire ces derniers, il faut tout au moins les faire évoluer. Ce que Renault, par exemple, a accompli avec la Classic, déclinaison de la Clio. L’adaptation minimale consiste à proposer de petits moteurs (de 1 à 1,2 litre). Un ensemble d’efforts qui ne permettent pas de proposer de voiture à moins de 8 000 euros (ou l’équivalent en dollars). Ce prix reste inabordable pour beaucoup et freine l’expansion des marchés. Pour résoudre ce problème, certains constructeurs ont entrepris de concevoir des véhicules qui pourraient être vendus à des prix véritablement inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés occidentaux.
C’est notamment le cas des groupes PSA (Peugeot-Citroën) et Toyota. À partir de 2005 sortiront de l’usine commune située en République tchèque des petites voitures économiques. La Citroën C1, la Peugeot 007 et la mini-Toyota auront en commun d’être « un petit véhicule moderne et simple, de quatre places, doté des meilleures technologies en matière de sécurité, de fiabilité et de protection de l’environnement », selon un communiqué des deux groupes. En termes de prix, pas d’annonce. Les plus optimistes espèrent 6 000 euros, les plus réalistes 7 000. Il est vrai que cette voiture n’est pas spécifiquement destinée aux pays émergents, mais d’abord à l’Europe et au Japon.
La stratégie de Renault est différente. Sa filiale roumaine Dacia a lancé, en avril dernier, la Solenza, une voiture destinée aux marchés d’Europe de l’Est et du Maghreb (commercialisation en Algérie). Pour parvenir à des coûts compétitifs, Dacia a conçu la voiture sur un châssis existant (celui de la Renault 11, base de la Dacia Supernova) et repris les équipements intérieurs de la Clio première génération. La tricorps qui en résulte est une voiture élégante. Longue de 4,08 m, elle est équipée d’un moteur de 1,4 litre développant 75 chevaux avec une boîte de vitesses à cinq rapports. Quant à son prix, il va de 5 100 à 6 350 euros selon la finition. La version la plus équipée dispose d’une direction assistée, d’un antidémarrage électronique, de lève-vitres électriques à l’avant, de l’air conditionné, d’un autoradio-CD. Bref, c’est une vraie voiture.
Pour faire moins cher, le groupe français CFAO a choisi une autre solution : ne pas faire une voiture, mais un triporteur. L’idée n’est pas nouvelle, mais elle permet de réduire les coûts. Une roue directrice à l’avant, deux motrices à l’arrière. Doté d’un moteur de moto de 360 cm3 développant 11 chevaux, le Tri’pick-up atteint 70 km/h. Assemblé à Bobo-Dioulasso, au Burkina, il est destiné aux pays d’Afrique de l’Ouest, pour un prix de 3 millions de F CFA (4 500 euros), ce qui paraît cher étant donné le pouvoir d’achat dans la région.
Et même peut-être très cher, si le constructeur indien Tata concrétise son projet de voiture à… 2 000 dollars ! L’objectif est de faire, pour l’Inde et les pays émergents d’Asie, une voiture à quatre places et quatre portes en utilisant des pièces pour scooters et autres deux-roues, dont l’industrie est très développée en Inde. Et Ratan Tata, fondateur et président du groupe éponyme, de préciser : « Ce véhicule aura tout d’une voiture, avec de vrais sièges. Sans doute fera-t-il plus de bruit qu’une voiture classique, mais il sera à la fois simple et sûr. » Destiné aux actuels utilisateurs de deux-roues et de triporteurs, qui se comptent par millions en Inde, ce véhicule serait produit en kit et assemblé en plusieurs endroits répartis sur le territoire indien. Par la suite, Tata prévoit de le commercialiser au Vietnam, en Malaisie, en Indonésie. Un tel projet est-il réaliste ? Le pari n’est pas plus fou que celui de Ford, qui lança son modèle T moitié moins cher que ce qui se faisait alors et qui en abaissa le prix année après année. Pas plus fou non plus que celui qui conduisit au lancement (et au succès) de la Volkswagen. On verra bien d’ici à quatre ans, échéance annoncée par Tata. Une chose est sûre : s’il réussit, ou s’il parvient simplement à ramener autour de 3 000 dollars (3 000 euros) le prix de vente d’une vraie petite voiture, cela pourrait changer pas mal de choses dans les pays émergents !

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