Ahmed Kadyrov, l’oeil de Moscou

« Débarrassé » de ses principaux rivaux, le candidat du Kremlin devrait remporter haut la main la présidentielle du 5 octobre.

Publié le 29 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

C’est l’hommage que le vice rend à la vertu : une élection présidentielle est censée se dérouler le 5 octobre en Tchétchénie, pour bien manifester que les opérations militaires sont terminées, que l’ordre règne et que la nouvelle Constitution, « adoptée » en mars dernier, par un référendum modèle, peut entrer en vigueur, permettant officiellement aux troupes russes de se retirer.
« Il n’y a plus de guerre du tout, déclarait il y a deux mois le président russe Vladimir Poutine. Nous avons pratiquement mis fin à notre campagne antiterroriste, et nous confions désormais au ministère de l’Intérieur la responsabilité de maintenir l’ordre public. »
Bien sûr, il y a encore plus de 40 000 soldats russes dans la petite République caucasienne. Mais « c’est la moitié des effectifs de 1999 », quand Poutine lança la guerre, affirme le colonel Ilya Shabalkine, porte-parole de l’armée. Bien sûr, plus de 12 000 militaires ont été tués depuis, soit probablement cinq à six fois moins que les pertes subies par la population civile, lors des combats ou des « opérations de police ». Bien sûr, la capitale, Grozny, n’est plus qu’une ville fantôme dont les immeubles aux façades vides abritent moins de la moitié des 400 000 habitants qu’elle comptait jadis, 70 % à 80 % d’entre eux étant sans travail.
Mais peu importe au Kremlin, observe Sergueï Kovalev, l’infatigable champion russe des droits de l’homme : « Le seul objectif du prochain scrutin est de pouvoir dire, avant les élections législatives russes de décembre, que la situation est réglée, afin de conclure : votez donc pour nous, le parti dirigeant. »
Mais il faut d’abord pour cela, évidemment, que le vote tchétchène soit sans surprise. Ignorant donc l’existence d’Aslan Maskhadov, déjà démocratiquement élu président, pour sa part, en 1997, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Kremlin a choisi son candidat : l’ancien mufti Ahmed Kadyrov, formé à Damas et dont la milice personnelle, les kadyrovski, impose partout sa loi par des exécutions sommaires, enlèvements et tortures, avec l’appui des forces spéciales russes.
Dans ce climat, les autres candidats qui avaient cru pouvoir se déclarer, notamment Aslan Aslakhanov, député tchétchène à la Douma, et Hussein Djabrailov, frère d’un grand patron de l’hôtellerie moscovite, ont jugé plus sage de se retirer. La voie semble donc libre pour Kadyrov, dont les hommes se sont, il y a dix jours, emparés des installations de la Radiotélévision et de quelques journaux locaux.
Ultime et significative image, rapportée par Patrick de Saint-Exupéry, envoyé spécial du Figaro : « Sur son bureau de Grozny, l’ancien chef de la garde personnelle de Kadyrov, devenu chef des « Omon », les forces d’élite du ministère de l’Intérieur, conserve précieusement un cliché datant de 2001. On y voit Ahmed Kadyrov serrant jovialement la main de Saddam Hussein. »

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