« Tournez sept fois votre langue… »

Publié le 29 août 2005 Lecture : 2 minutes.

«Les règles du jeu ont changé », avait prévenu Tony Blair, le 5 août, un mois après les attentats sanglants de Londres. Le 24 août, un pas de plus dans la lutte contre les prédicateurs islamistes a été franchi avec la divulgation par le ministre de l’Intérieur, Charles Clarke, d’une liste des « comportements inacceptables » justifiant l’expulsion ou l’interdiction d’entrer sur le territoire britannique d’un ressortissant étranger. Ainsi, les « fomenteurs de violence terroriste », ceux qui « la justifient et la glorifient », ceux qui « cherchent à provoquer des actes criminels » ou encore tout individu qui « incite à la haine susceptible de créer des tensions entre les communautés » sont désormais persona non grata au Royaume-Uni. Et le ministre de préciser que les premières expulsions auront lieu « dans les prochains jours ». Dix personnes arrêtées le 11 août, dont Abou Qotada, considéré comme le chef spirituel d’al-Qaïda en Europe, risquent de tomber sous le coup de ces nouvelles dispositions. Omar Bakri, l’un des prédicateurs les plus médiatiques du « Londonistan », actuellement « en vacances » au Liban, ne sera pas non plus autorisé à regagner la Grande-Bretagne, où il vivait depuis 1986.

Face à l’ire des organisations de défense des libertés et des droits de l’homme, le chef du Home Office a précisé qu’il ne s’agissait pas « d’étouffer la liberté d’expression ou le débat légitime sur les religions ». Les célèbres orateurs de Hyde Park, les propriétaires de sites Internet et autres membres d’associations diverses et variées n’ont qu’à bien se tenir.

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Pour la Commission islamique des droits de l’homme, ces propositions « ne vont faire qu’amplifier l’islamophobie » ambiante – un million et demi de musulmans résident en Grande-Bretagne – et se résument au final à « une criminalisation de la pensée ». Amnesty International s’inquiète aussi du « caractère vague et large des termes de « conduite inacceptable » et de « terrorisme » ». Un représentant de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, Manfred Novak, est également monté au créneau en rappelant « l’obligation internationale [selon la Convention de Genève de 1951] de ne pas refouler les personnes risquant la torture et autres abus » dans leur pays. Ce à quoi Charles Clarke a rétorqué que « les droits des victimes des attentats du 7 juillet étaient plus importants que ceux des auteurs de ces attaques ». Les Britanniques sont eux aussi divisés. Si l’opposition conservatrice et libérale approuve la fermeté du gouvernement travailliste, le maire de Londres, Ken Livingstone, craint des dérives. « Si ce texte avait été en place il y a vingt ans, s’est-il interrogé, les partisans de Nelson Mandela auraient-ils été expulsés de notre pays au prétexte qu’ils soutiendraient la campagne d’attentats à la bombe contre le régime raciste d’apartheid en Afrique du Sud ? » n

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