Start-up de la semaine : au Burkina Faso, FasoPro met les chenilles à toutes les sauces
Au Burkina, FasoPro, qui commercialise criquets et chenilles cuisinés, est aujourd’hui reconnue comme l’une des start-up les plus florissantes et les plus primées du pays. L’assurance et la démarche marketing de son fondateur y sont pour beaucoup.
« La chenille de karité est l’aliment le plus protéiné de l’ouest burkinabè. Elle est également riche en fer et oméga 3 », souligne Kahitouo Hien, le fondateur de FasoPro. Originaire de l’ouest du Burkina Faso, zone où ces les chenilles de karité (cirina butyrospermi) sont le plus consommées, le jeune entrepreneur s’était toujours demandé comment faire découvrir au monde leur richesse vitaminique, qu’il a pu étudier durant sa licence en biochimie et microbiologie alimentaire, achevée à l’Université de Ouagadougou en 2009.
À la faveur d’un cours d’entrepreneuriat durant son master en environnement à 2iE (Institut international de l’eau), à Ouagadougou, il découvre les bases de la création d’entreprise. Le déclic se fait tout de suite. Kahitouo Hien décide de réaliser son vieux projet de création d’une entreprise de commercialisation de chenilles cuisinées. « Nous devions monter un projet d’entreprise dans le cadre d’un concours à 2iE, explique-t-il. Le nôtre a été jugé ambitieux, au point que les enseignants nous ont recommandé de postuler au Global Social Venture competition 2012. »
Se différencier du marché traditionnel
Ce concours, qui récompense les meilleurs projets d’entrepreneuriat social, sera le tremplin de Kahitouo Hien, qui remporte avec son ami Christophe Douyiri Mandi le prix spécial du meilleur impact social. Le start-uper ficelle ensuite son projet durant deux ans à l’incubateur de la fondation 2iE, en solo cette fois. L’éclosion a enfin lieu en novembre 2014.
Le lancement de FasoPro s’est heurté à trois principales difficultés. « D’abord, le manque de matériel technique, de stérilisateurs à contre-pression notamment, car l’industrie agro-alimentaire n’est pas très développée au Burkina ». Ensuite, il a fallu vaincre les réticences d’une partie de la population, notamment des Mossi, qui constituent 40 % de la population. « À Ouagadougou, les gérants de boutiques que je démarchais me répondaient : je n’en consomme pas, donc je n’en vends pas », se souvient Kahitouo Hien.
Le dernier enjeu pour le start-uper a été de se différencier du marché traditionnel de la chenille. Kahitouo Hien a donc approché les boutiques de stations Total, avec qui il a signé un partenariat pour commercialiser ses produits. « Nous avons installé des stands d’animation dans ces stations et avons participé aux foires et salons sur l’agro-alimentaire pour nous faire connaître », relate-t-il. Les boutiques et grandes surfaces commercialisant les produits FasoPro sont passées de 50 en 2015 à 500 en 2018, dans 25 localités contre 2 (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) au lancement. L’entreprise honore également des commandes en France, Belgique, Canada et au Japon.
Cagnottes en ligne et dotations de concours
Grâce à la campagne de crowdfunding qu’il a lancée sur la plateforme Kisskissbankbank dès 2014, l’entrepreneur n’a pas eu trop de problème de financement : il a récolté 14 000 euros, alors qu’il n’en espérait que 10 000. L’année suivante, une nouvelle cagnotte sur BlueBees lui permet de lever 10 000 euros, sur 6 000 euros escomptés.
Depuis 2016, un crédit, passé en 2018 de 6 millions de FCFA à 12 millions de FCFA (de 9 150 à 18 300 euros), est chaque année octroyé à FasoPro par l’Agence communautaire pour le financement de Micro-entreprise (Acfime).
Kahitouo Hien, propriétaire de son entreprise à 55 % (les 45 % restant étant détenus par Lisa Barutel, directrice de l’incubateur d’entreprises sociales ouest-africain La Fabrique), a aussi pu compter sur les dotations des différents concours que son entreprise a récolté depuis sa création : premier prix du Grand Challenges Canada, en 2014, (112 000 dollars canadiens, soit 74 300 euros), 2e prix de l’African Business Club (ABC), (1 500 euros, toujours en 2014), prix de La France s’engage au sud en 2016 (42 000 euros), 1er prix du Forum Sahel innov 2017 (5 millions de FCFA).
Une nouvelle usine en projet
Autant d’éléments qui ont permis à la production de FasoPro de passer de 10 tonnes en 2014-2015 à 30 tonnes en 2017-2018, le chiffre d’affaires passant quant à lui de 6 millions de F CFA en 2015 à 40 millions en 2018. L’entreprise propose aujourd’hui différentes formes de chenilles (en poudre, en biscuit, croquantes avec ou sans piment) et depuis la campagne 2017-2018, des criquets du Niger. « Le test a été plus que concluant. En un rien de temps, il n’y en avait plus », commente Kahitouo Hien, qui projette déjà de lancer une production locale de criquets, estimant que la filière n’est pas bien structurée au Niger.
Le start-uper estime que son véritable défie se trouve dans l’augmentation de la production de criquets et chenilles, actuellement récoltées par quelque 500 femmes dans les villages de l’Ouest du Burkina, réunies en coopératives et groupements, que FasoPro veut encadrer. « C’est plus facile de respecter ainsi le côté naturel de la production, souligne Kahitouo Hien. Nous sommes en partenariat des chercheurs de l’Institut de l’environnement et de recherche agricoles (Inera) et de la Direction nationale de la protection des végétaux et du confinement. La première ferme devrait voir le jour grâce à une collaboration avec l’Association ferme Guiriko, à 40 km au Sud-Ouest de Bobo-Dioulasso. »
L’autre projet majeur de la start-up est la construction d’une usine moderne et plus grande, à 30 kilomètres de Ouagadougou, pour remplacer la petite unité de production actuelle de Wayalgin, au cœur de la capitale. Ce projet, qui devrait être bouclé fin 2019, permettrait de faire passer le nombre d’employés de 10 à 30, les emplois indirects passants quant à eux à 1 000. Pour financer ce développement, Kahitouo Hien compte lever 1 million d’euros dans les cinq prochaines années.
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