Crise anglophone au Cameroun : « La classe politique a failli », selon Simon Munzu
Des leaders religieux organisent les 29 et 30 août une Conférence générale des anglophones, pour tenter de résoudre la crise qui a débuté fin 2016. À deux mois d’une présidentielle sous haute tension, Simon Munzu, porte-parole de la conférence, en présente les enjeux et les obstacles.
Cameroun : les véritables victimes de la crise anglophone
La crise qui sévit dans les régions anglophone du Cameroun depuis plus d’un an, qui voit des violences récurrentes entre sécessionnistes armés et forces gouvernementales, ne faiblit pas. De l’Église aux entreprises en passant par les populations, le point sur les victimes et conséquences de ce conflit qui s’installe dans la durée.
Les 29 et 30 août, la ville de Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, un des fiefs de la crise anglophone, doit accueillir un rassemblement d’un type bien particulier. Deux ans après le début de la crise, ayant débouché sur des affrontements entre séparatistes et forces de sécurité, des leaders religieux camerounais, le cardinal Christian Tumi en tête, ont annoncé l’organisation d’une Conférence générale des anglophones. Objectif : obtenir un arrêt des hostilités et initier un dialogue national afin de résoudre la crise. À deux mois de l’élection présidentielle prévue le 7 octobre, le gouvernement camerounais et les séparatistes sont engagés dans un bras de fer qui place la population « entre le marteau et l’enclume », comme le soulignait le dernier rapport d’Amnesty International.
Si les prélats entendent réunir toutes les parties concernées dans ce grand dialogue, plusieurs obstacles persistent pour que celui-ci soit réellement inclusif. Simon Munzu, président de l’Anglophone Cameroon Dialogue Forum et porte-parole de la conférence, présente à Jeune Afrique les objectifs de cette médiation.
Jeune Afrique : Pourquoi organiser ce dialogue maintenant, deux ans après le début de la crise et à deux mois de la présidentielle ?
Simon Munzu : Le degré de violence et de souffrance a atteint sa limite, il est grand temps que les âmes se mobilisent. Cela fait plus d’un an que la crise dure. Beaucoup parlait de ce dialogue, tous le préconisaient, même, et l’opportunité s’est enfin présentée avec la mobilisation des religieux. Le souhait, aujourd’hui, est de voir tout le monde y participer : pouvoir, séparatistes, exilés et citoyens. Tout le monde est conscient, je pense, que si la situation reste identique, les élections ne pourront pas se dérouler correctement dans la région et seront tronquées. La première étape, avant de se rendre au dialogue national, est de réunir les populations du nord-ouest et du sud-ouest anglophone, d’établir des thèmes à aborder lors du dialogue et de désigner des représentants.
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Pourquoi les religieux se sont-ils saisis de l’organisation du dialogue ?
Parce que la classe politique a failli. La solution naturelle aurait été que les sénateurs, les chefs traditionnels gouverneurs, les maires ou les ministres se saisissent du problème. S’ils sont, par définition, les leaders de la population, cette classe politique n’a pas souhaité prendre ses responsabilités. Face à cette carence, les religieux ont donc pris le relais.
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Le gouvernement, critiqué pour sa gestion de la crise, semble ne pas pleinement soutenir votre projet de dialogue. Quels sont les principaux blocages avec Yaoundé ?
Je ne dirais pas que le gouvernement ne soutient pas le projet. Dans son discours, le porte-parole du gouvernement a d’ailleurs souligné que toute initiative pour résoudre la crise était une bonne chose.
Le blocage, c’est que nous avons estimé que pour que le dialogue se déroule dans un contexte favorable, il fallait que le gouvernement libère les séparatistes emprisonnés depuis janvier. Il n’est pas exclu que la réflexion et que la situation évoluent dans le sens d’un apaisement.
La conférence aura lieu, que les séparatistes et représentants du gouvernement viennent ou non
Le gouvernement n’a jamais exclu l’idée du dialogue. Il y a eu une Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, il y a eu des visites de ministres, mais elles ne sont plus adaptées à ce type de crise. Nous espérons que le gouvernement va en prendre conscience et se ranger derrière notre projet. Nous souhaitons aller dans le sens d’une plus grande inclusivité dans ce dialogue.
D’un côté, les mouvements séparatistes armés sont dans une logique de rapport de force avec Yaoundé et, de l’autre, le gouvernement ne souhaite pas négocier avec ceux qu’il qualifie de « terroristes ». Comment le dialogue peut-il aboutir dans ces conditions ?
Les prélats sont conscients qu’ils ont à faire à deux extrêmes. Les séparatistes sont dans une logique de rapport de force mais nous sommes en contact avec certains leaders de ces mouvements. Nous ne pouvons que souhaiter que ces consultations aboutissent, d’autant que le rôle du gouvernement sera crucial pour mettre en oeuvre ce qui sortira du dialogue.
Que les séparatistes et représentants du gouvernement viennent ou non, la conférence aura bien lieu. Mais il est clair que ceux qui seront absents sont ceux qui ne voudront pas faire avancer la situation.
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