«Le développement de l’Afrique dépend des Africains»

Lü Guozeng, ministre assistant des Affaires étrangères, plaide pour un renforcement des liens entre Pékin et le continent.

Publié le 29 août 2005 Lecture : 5 minutes.

Il est le « monsieur Afrique » du ministère chinois des Affaires étrangères. Lü Guozeng a fait toute sa carrière dans la diplomatie chinoise. Après une formation universitaire aux relations internationales, il rentre au ministère en 1976 – il a alors 25 ans – et s’occupe des questions africaines. Un an plus tard, il part faire ses armes en Guinée. À son retour, en 1981, il gravit un à un les échelons et devient chef du service Afrique. De 1988 à 1992, il exerce ses talents de conseiller auprès de l’ambassadeur chinois à l’île Maurice. Nommé directeur Afrique en 1994, il participe à la relance de la coopération sino-africaine. En 1997, devenu ambassadeur en Tunisie, il prend également en charge les relations avec la Palestine. En 2000, il est promu ministre assistant, ce qui l’amène à multiplier ses déplacements sur le continent.
Dans cette interview, Lü Guozeng plaide pour le renforcement des liens avec les pays africains, mais fait l’impasse sur deux aspects importants de la coopération sino-africaine, le pétrole et les matières premières. Malgré l’ouverture du pays, la langue de bois diplomatique conserve ses droits !
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Jeune Afrique/L’Intelligent : Êtes-vous satisfait de l’état des relations sino-africaines ?
Lü Guozeng : À l’heure actuelle, la Chine entretient des relations diplomatiques et un dialogue régulier avec 46 des 53 pays d’Afrique, particulièrement à travers le mécanisme de consultations politiques entre ministères des Affaires étrangères. La Chine et les États africains se témoignent compréhension et soutien mutuels, se consultent et se concertent constamment dans le cadre des grandes questions internationales. De nombreux progrès sont régulièrement enregistrés en matière de coopération économique, culturelle, éducative, médicale et technico-scientifique. Pour promouvoir nos échanges, nous avons mis en place des commissions mixtes économiques et commerciales. Nous avons enfin lancé, en 2000, le Forum Chine-Afrique, qui est devenu une importante plate-forme de partenariat dans le domaine de l’agriculture, de la construction des infrastructures et de la valorisation des ressources humaines. Nous sommes donc pleinement satisfaits du développement des relations sino-africaines et nous croyons en leur avenir.
Le départ à la retraite du président Jiang Zemin, qui a été remplacé par Hu Jintao, a-t-il modifié de quelque façon que ce soit la politique africaine de la Chine ?
L’essentiel de la politique africaine de la Chine reste inchangé. La nouvelle équipe dirigeante a affirmé à maintes reprises sa volonté de redoubler d’efforts pour consolider et approfondir les relations traditionnelles d’amitié et de coopération sino-africaines. D’ailleurs, Hu Jintao a réaffirmé les grandes lignes de notre politique africaine lors de sa tournée sur le continent en février 2004.
Quelles sont les grandes lignes de cette politique ?
La politique africaine de la Chine s’en tient aux cinq principes de la coexistence pacifique*. Notre pays s’attache à fournir, dans la mesure de ses moyens, une aide qui ne soit assortie d’aucune condition politique, à développer la coopération économique et technique et à favoriser le dialogue entre les États du continent, ainsi que la construction de l’Union africaine (UA) et la mise en oeuvre du Nepad (Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique). Nous encourageons, par ailleurs, la communauté internationale à accorder une plus grande attention au développement de l’Afrique et à la résolution des conflits par la voie négociée. Nous nous fixons comme objectifs d’accroître les aides et les investissements tout en réduisant les dettes, et de soutenir la participation, sur un pied d’égalité, des pays africains aux réunions internationales. Si la Chine est le plus grand pays en développement, l’Afrique en regroupe le plus grand nombre. Nous formons donc un couple complémentaire.
Les progrès de la Chine sont manifestes tandis que l’Afrique reste un continent sous-développé. Le modèle chinois est-il transposable ?
L’essor de l’Afrique dépend essentiellement des efforts des Africains. Il n’existe pas de modèle unique de développement, valable partout. Chaque nation doit adopter une voie adaptée à ses spécificités. Depuis le lancement de la politique chinoise de réforme et d’ouverture il y a vingt-cinq ans, nous avons obtenu des succès remarquables en améliorant la productivité de nos entreprises et la vie de nos citoyens. Nous sommes prêts à faire profiter les États africains de notre expérience en ce qui concerne la gestion des affaires publiques, le progrès économique et la lutte contre la pauvreté. Les pays développés, qui en ont la responsabilité et le devoir, doivent également accroître leur soutien politique et financier. Le gouvernement chinois a prévu, pour sa part, d’augmenter son aide au développement.
De combien et sous quelle forme ?
Il le fera graduellement, parallèlement au renforcement de sa puissance économique. Ces cinquante dernières années, la Chine a fourni des assistances sous forme de dons et de prêts sans intérêt ou à taux bonifiés. Elle a mené à bien quelque 900 projets en Afrique, dont 722 projets complets dans 48 pays, dans des domaines aussi divers que l’agriculture, l’élevage, la pêche, le textile, l’artisanat, la santé, le sport, l’énergie, l’industrie minière, les infrastructures et l’hydro- électricité. Son aide en matière de technique et de formation lui a permis de jouer un rôle important dans l’évolution de la vie politique, économique et sociale de ces pays. Le chemin de fer Tanzanie-Zambie et de nombreux autres projets construits par la Chine – routes, stades, hôpitaux, installations d’approvisionnement en eau – sont là pour en témoigner.
L’Europe et les États-Unis reprochent à la Chine de ne pas être regardante en matière de droits de l’homme et de corruption pour l’attribution de son aide…
La Chine veille avant tout à satisfaire les besoins réels des pays africains. Très attentive à leurs requêtes, elle n’a d’autre souci que de les aider à développer l’économie, à promouvoir le progrès social et à assurer le bien-être de leurs peuples. Elle respecte leur droit de choisir en toute indépendance leur système politique et leur voie de développement. Elle n’assortit jamais son aide de conditions politiques et ne s’immisce pas dans les affaires intérieures.
Les entreprises occidentales et africaines se plaignent fréquemment de la contrefaçon chinoise, qui exerce une concurrence déloyale sur les marchés. Comment comptez-vous remédier à ce problème ?
Nous appelons les entreprises chinoises au respect scrupuleux de la loi locale, à la plus grande loyauté dans l’exécution des contrats, la garantie de la qualité et de la crédibilité. Nos produits, par leur rapport qualité-prix hors du commun, leur élégance et leur commodité, répondent parfaitement à la demande des consommateurs africains. Nous sommes disposés à intensifier la coopération avec nos partenaires pour résoudre tous les différends commerciaux par voie de consultations amicales, dans un esprit d’entente mutuelle et de concessions réciproques.

* Coexistence pacifique : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité nationale, non-agression mutuelle, non-ingérence dans les affaires intérieures, égalité et bénéfices réciproques.

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