Désespérance de Tunis

Faute d’un projet technique cohérent, le club le plus populaire de Tunisie n’est plus que l’ombre de lui-même. Au grand dam de ses nombreux supporteurs.

Publié le 29 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Lorsque, dans la soirée du 20 août, au stade du 7-Novembre à Radès, l’arbitre libyen Abdulhakim Shelmani siffle la fin du match entre l’Espérance sportive de Tunis (EST) et l’Étoile sportive du Sahel (ESS), les milliers de supporteurs tunisois résignés rangent leur attirail et leurs illusions : leur club, tenu en échec (1-1), est bel et bien éliminé de l’édition 2005 de la Ligue des champions d’Afrique. Une déception de plus au terme d’une saison calamiteuse.
La série noire du club le plus populaire de Tunisie commence le 14 novembre 2004 au stade d’El-Menzah. Ce jour-là, en demi-finale retour de la Ligue des champions, l’Espérance bute sur les Nigérians d’Enyimba et laisse filer la qualification à l’issue de la séance des tirs au but. Une semaine plus tard, les « Sang et Or » disputent la finale de la Coupe de Tunisie face au Club sportif sfaxien (CSS). Durant les prolongations, ils plient et finissent par rompre : 0-2. C’est la défaite de trop. Slim Chiboub, emblématique et omnipotent président de l’EST, subit l’ire de la foule. Ulcéré et déstabilisé, il démissionne.
Aziz Zouhir, capitaine d’industrie de 51 ans et ex-champion de tennis, lui succède. L’équipe première est placée sous la responsabilité du nouveau vice-président, l’ex-international Zied Tlemçani, qui promet de réabonner l’EST au succès. Il met en place un organigramme d’affidés dont il cherche à exclure l’entraîneur en place, le Suisse Claude Andrey, surnommé « Didi », engagé en septembre 2004 par Chiboub. Technicien hors pair, Andrey affiche des conceptions de jeu non conformistes et entend préserver son domaine. Mais Tlemçani est insatiable : manager, directeur technique et agent, voilà qu’il prend place sur le banc d’où il veut tout gérer. Début mars, l’EST se déplace à Khartoum pour y affronter Al-Hilal en Ligue des champions. La veille du départ et à l’issue de l’ultime séance d’entraînement, Andrey est agressé par un supporteur dans l’enceinte même du club. Au Soudan, l’EST est battue (0-2). De retour à Tunis, Tlemçani, avec l’aval du président Zouhir, « met fin aux fonctions d’Andrey en tant qu’entraîneur de l’équipe seniors ». Didi n’est pas limogé : on ne lui confie pas de tâche et son salaire lui est versé jusqu’en juin. Son contrat sera rompu, sans indemnités, le 1er juillet. Le Genevois a saisi la Fifa, qui devra trancher.
Tlemçani est désormais seul maître à bord. Première échéance : la finale de la Coupe de Tunisie, le 22 mai, face à… l’Espérance sportive de Zarzis, un modeste club de division I. À Radès, les finales se suivent et se ressemblent : les « Sang et Or » sont à nouveau défaits (0-2). Courageux, Tlemçani se défausse sur les joueurs : « Nous autres dirigeants avons fait notre devoir, pas les joueurs. Nous ne pouvions aller sur le terrain pour marquer des buts à leur place ! » Zouhir réagit en engageant un nouvel entraîneur : Mrad Mahjoub, un baroudeur qui, depuis vingt ans, navigue entre les clubs locaux et ceux du Golfe. L’effectif est remanié. Deux valeurs sûres partent : Jawhar Mnari et Issam Jomaa. Sont recrutés sept éléments, dont le Camerounais Frank Olivier et le Togolais Emmanuel Mathias.
Mahjoub débute le 16 juin. L’EST est en lice pour les demi-finales de la Ligue des champions, « priorité absolue du club », dixit Zouhir. Le 2 juillet, elle tient tête à l’Étoile à Sousse (0-0). Mais le 10, elle concède, à Tunis, le nul (0-0) face à l’Asec d’Abidjan. Le 24, au Caire, elle résiste au Zamalek (1-1). Une semaine plus tard, elle entame le championnat de Tunisie par une défaite, au Kef, face à un promu, Jendouba Sports (0-2). « Le meilleur est à venir ! » martèle, optimiste, Mahjoub. Ses protégés reçoivent, au stade d’El-Menzah, Zamalek. En l’espace de quatre minutes, les Cairotes inscrivent deux buts et remportent les trois points (2-1). Conspué par le public, Tlemçani jette l’éponge. « Il a voulu, commente un familier du club, faire du Chiboub sans Chiboub. Il a tout raté. » Mahjoub est poussé à la démission. L’ancien international Khaled Ben Yahia répond « à l’appel du devoir » et accepte de prendre, au pied levé, la relève.
Le 20 août, son équipe livre une bataille acharnée mais ne gagne pas. Zouhir, qui recherche un « psychologue sportif », s’en prend à l’arbitre. L’EST quitte sans gloire la Ligue des champions, qui la fuit depuis 1999 et dont elle sera absente en 2006. Avec un bilan négatif en 2005, elle rentre dans le rang en dépit d’un effectif pléthorique où, il est vrai, on ne compte qu’un seul joueur de valeur : le gardien de but ivoirien Jean-Jacques Tizié. Faute d’un projet technique cohérent, elle ne semble plus en mesure de produire un jeu agréable et conquérant, et de faire rêver ses supporteurs.

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