Présidentielle au Mali : pourquoi les faiseurs de roi n’ont pas donné de consignes de vote

Arrivés troisième et quatrième lors du premier tour de la présidentielle, Aliou Diallo et Cheick Modibo Diarra n’ont pas donné de consigne de vote. Les raisons sont à la fois politiques et stratégiques.

Aliou Diallo (g.) et Cheick Modibo Diarra, arrivés respectivement troisième et quatrième du premier tour de la présidentielle au Mali. © Photos : Vincent Fournier/JA / Emmanuel Daou Bakary / JA

Aliou Diallo (g.) et Cheick Modibo Diarra, arrivés respectivement troisième et quatrième du premier tour de la présidentielle au Mali. © Photos : Vincent Fournier/JA / Emmanuel Daou Bakary / JA

Publié le 10 août 2018 Lecture : 4 minutes.

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Présidentielle au Mali : dernière ligne droite

Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé s’affrontent dimanche 12 août pour le deuxième tour de la présidentielle malienne. Si le premier bénéficie d’une confortable avance, le second croit encore dans ses chances de retourner la situation. Le point ici sur les résultats, les ralliements, l’enjeu de l’abstention et les défis sécuritaire et organisationnels du scrutin.

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Ils totalisent à eux deux près de 15% des suffrages du premier tour le 29 juillet. Un réservoir de voix important, qui pourrait faire basculer le second tour entre le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta et son challenger, le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé. Mais ni Aliou Diallo, troisième avec 8,33%, ni Cheick Modibo Diarra, quatrième avec 7,4%, n’ont donné de consigne de vote pour dimanche.

Aliou Diallo ménage ses options

Jeudi, le riche homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo s’est adressé à ses militants depuis son QG de campagne. Après avoir dressé un bilan plutôt satisfait de sa campagne et de son résultat, il a déploré la « fraude » qui a, selon lui, entaché le scrutin. Et contre toute attente, il n’a  donné aucune consigne de vote. « C’est donc aux Maliens que je laisse le soin de s’exprimer comme ils le souhaitent au second tour de l’élection présidentielle », a-t-il déclaré à ses militants.

Il ne sert à rien d’aller au second tour dans les mêmes conditions. Les mêmes causes produisent les mêmes effets

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Une position qui, même si elle semble faire l’unanimité au sein de son parti, tient plus au rejet du processus électoral qu’à une neutralité entres les deux candidats toujours en lice. « Il ne sert à rien d’aller au second tour dans les mêmes conditions, sans que nos exigences pour plus de transparence du scrutin soient mises en place. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. C’est perdu d’avance », explique le député ADP-Maliba Ahmadou Thiam, co-directeur de campagne d’Aliou Diallo. Le parti, dont plusieurs recours ont été rejetés par la Cour constitutionnelle, souhaitait un report du second tour ou une suspension du processus.

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L’homme d’affaires, lui, semble avoir déjà le regard tourné vers la prochaine échéance électorale : les législatives. « Nous devrons redoubler d’efforts pour préparer les élections législatives du mois de novembre et obtenir une majorité de contrôle de l’action du président qui sera investi le 4 septembre prochain », a-t-il expliqué.

Des tractations ont pourtant eu lieu en vue d’un ralliement officiel d’Aliou Diallo à l’un des deux candidats au second tour. Si l’équipe de Soumaïla Cissé comptait sur le ralliement de Diallo, la direction de campagne d’IBK a également envoyé des émissaires au faiseur de roi. En vain.

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En refusant de se positionner, ce serait en fait l’homme d’affaires Aliou Diallo qui aurait pris le dessus sur l’homme politique. « Il pensait qu’IBK n’était pas aussi populaire que ça et s’est présenté à l’élection pour mieux se positionner. Mais lorsqu’il s’est rendu compte du poids d’IBK, il a préféré ne pas trop enfoncer le clou pour ne pas trop abîmer ses affaires. En appelant à voter pour personne, il n’appelle pas à voter contre IBK… », analyse ainsi le politologue Issa Ndiaye, professeur à l’université de Bamako.

Le calcul politique de Cheick Modibo Diarra

Du côté de Cheick Modibo Diarra, le refus de soutenir l’un ou l’autre des candidats, assumé, découle d’une ligne politique définie avant l’élection. « Depuis notre congrès de novembre 2017, nous avons déclaré au niveau de Yelema que le changement que nous voulons n’est incarnée ni par le candidat de la majorité, ni par celui de l’opposition. Il se trouve, aujourd’hui, que ce sont les deux candidats au second tour, nous avons donc opté pour la neutralité. Que chacun vote comme il le veut », explique à Jeune Afrique Moussa Mara, président du parti Yelema et directeur de campagne de Cheick Modibo Diarra, en faveur duquel il s’était désisté un peu plus d’un mois avant le premier tour.

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Mais derrière la posture affichée, il y a aussi un calcul politique bien compris, juge le politologue Issa Ndiaye. « L’électorat de Cheick Modibo Diarra est plus favorable à IBK qu’à Soumaila Cissé et les tractations pour les négociations en vue d’un futur portefeuille en cas de victoire n’ont pas abouti. Il ne servait donc à rien de donner des consignes de votes qui ne seront pas suivies ».

Au QG de campagne d’IBK, on répète depuis l’annonce des résultats du premier tour que les consignes du « boss » sont restées fermes, malgré les nombreuses prises de contacts et tractions. « Tout ralliement doit se faire sur la base du programme présidentiel, proposé par [IBK], mais il reste ouvert s’il y a des améliorations à faire », nous assure une source au cœur de la campagne du président IBK.

Faute de ralliement conséquent, et alors que la courte semaine de campagne d’entre-deux tours a été marquée par les polémiques sur le déroulement du scrutin, Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé ne peuvent donc compter que sur leur propre force pour rallier les électeurs qui les ont boudé au premier tour. Et plus encore ceux qui n’ont pas même pris la peine de se rendre aux urnes.

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