Ambivalence et contradictions

Publié le 31 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Faut-il avoir peur des Chinois ? Profitant de l’ouverture de leurs frontières en 2000 et du formidable développement de leur économie, de plus en plus de citoyens du pays de Mao, commerçants, entrepreneurs, coopérants, ouvriers, s’installent en Afrique. Cette puissante Chine qui tisse sa toile sur le continent n’en finit plus d’alarmer les sphères économiques. On suspecte ses ressortissants de ne pas être en règle et de bénéficier d’avantages par rapport aux entreprises locales. La gestion familiale ou communautaire des commerces chinois éveille les soupçons. L’opacité des opérations financières donne naissance à des rumeurs incessantes. Comme dans le reste du monde, le déferlement des produits made in China sur les marchés entretient cette idée d’un « raz-de-marée asiatique ». À Dakar, Yaoundé, Lagos ou Kampala, les journaux dénoncent régulièrement la faillite des commerçants locaux qui ne peuvent lutter à armes égales avec les Chinois.

« La menace se fait de plus en plus précise », relevait l’éditorialiste de L’Économiste, au Maroc, en novembre 2003, en stigmatisant la mise sur le marché « de produits à bas prix, mais de piètre qualité », ainsi que l’installation de commerçants chinois à Casablanca, qui exercent une concurrence acharnée dans le secteur du textile. Avant de conclure : « Si l’on n’y prend pas garde, demain les Asiatiques arriveront peut-être à imiter notre artisanat, nos djellabas et nos babouches pour une bouchée de pain… Qui sait ? » Accolée à l’article, la caricature du dessinateur Tarik Bouidar, qui signe sous le pseudonyme de Rik, met en scène un Tintin marocain aux prises avec un dragon chinois.
Inversement, les Chinois disposent d’une assez bonne image auprès des décideurs politiques. Ces derniers apprécient leur aide financière et technique, mais surtout leur non-ingérence dans les affaires intérieures. La Chine insiste sur ce point et propose, jusque dans ses discours officiels, une version recomposée de l’histoire des relations Chine-Afrique : empreintes de coopération et de fraternité jusqu’au XVe siècle, elles se seraient rompues à l’arrivée des Occidentaux, et tous les efforts de la Chine tendraient à renouer avec le passé. Cette opposition Chinois/Occidentaux reflète un sentiment répandu à travers l’Afrique, qui voit dans la collaboration afro-asiatique une alternative à la mainmise occidentale sur l’économie africaine. Elle l’est plus spécialement dans les pays qui ont été marqués par la guerre froide et les luttes d’indépendance, comme le Zimbabwe. « Affirmons notre souveraineté, notre intégrité et notre dignité en nous liant d’amitié avec ceux [les Asiatiques] qui nous considèrent comme des partenaires et des êtres humains égaux », rappelait récemment un article dans un journal proche du parti au pouvoir, le Zimbabwe African National Union-Patriotic Front (Zanu-PF) du président Robert Mugabe.
Les Africains manifestent également, d’une manière générale, une certaine admiration et un profond respect pour la réussite économique de la Chine, ce qui lui confère une position de leader des pays en développement, dont il faut suivre l’exemple. Au niveau du grand public, les produits chinois, d’un bon rapport qualité-prix, renforcent, dans un sens, cette image positive d’une Chine plus proche des consommateurs africains. « Cette année, la rentrée des classes a viré au cauchemar, en raison de la hausse des prix et de la stagnation des revenus. […] J’ai acheté des cartables chinois, cinq fois moins chers que les autres », raconte une ménagère égyptienne.

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Mais il arrive que les Africains reprochent aux Chinois de ne pas se mélanger aux populations locales et, surtout dans les pays à dominante musulmane, de consommer des aliments « impurs », dont la cuisson dégage une odeur pas toujours agréable.
Concurrent déloyal, géant économique, exemple à suivre, remède à tous les maux… Dans l’esprit des Africains, les images les plus contradictoires de la Chine et des Chinois se superposent.

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