L’Angola, le créneau de Renault
Sur ce marché aussi florissant que concurrentiel, le constructeur français est déterminé à s’imposer. Reportage dans une concession de Luanda, où la marque au losange connaît un succès grandissant.
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La concession automobile de Teixeira Duarte (TDA) à Talatona, ville nouvelle et banlieue aisée de Luanda, n’a rien à envier aux plus rutilantes de ses consoeurs d’Europe ou des États-Unis. « Par la taille, nous sommes la plus grande d’Afrique subsaharienne », affirme même José Almeida, le directeur chargé de Renault et Nissan, les deux marques phares du distributeur angolais, filiale du groupe portugais du même nom.
TDA dispose en effet de 100 000 m2 à Talatona, dont 22 000 sont couverts, avec un showroom séparé pour chacune des huit marques exposées sur l’une des avenues les plus passantes de Talatona : Renault, mais aussi le japonais Nissan, le français Peugeot, le coréen SsangYong, le chinois JMC, les motos nippones Honda, les camionnettes de l’indien Mahindra et les camions de Renault Trucks.
Les petites citadines séduisent la classe moyenne angolaise, qui pourrait tripler d’ici à 2040.
Prisées
Chaque showroom dispose de ses propres vendeurs, au fait des derniers modèles et options et reliés aux systèmes d’informations du constructeur.
Dans l’espace Renault, les clients, plutôt jeunes et au style soigné, les explorent, passent d’un véhicule à l’autre avant de faire leur choix.
Juste derrière les espaces de vente, une cinquantaine de mécaniciens s’activent au sein d’un immense centre d’entretien et de réparation. Certains sont passés par le centre de formation maison de TDA, situé à seulement quelques encablures.
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Ponts, fosses, appareils pour vérifier la carrosserie… Le matériel d’entretien est identique à celui des grandes marques, ce qui a nécessité un investissement de plus de 10 millions d’euros. « Nous serons bientôt certifiés par Renault pour notre service après-vente », indique José Almeida, lui-même ancien salarié du groupe français au Portugal. Selon lui, la marque est particulièrement adaptée au marché angolais.
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Car depuis trois ans, c’est Renault qui porte les ventes de TDA. Ses 4×4 Duster et ses petites berlines compactes Logan et Sandero se vendent comme des petits pains à Luanda… De 168 véhicules au losange écoulés dans le pays en 2005, quand TDA a commencé à les distribuer, la concession est passée à 700 voitures vendues en 2011, puis à 1 800 en 2012 et enfin à quelque 2 500 en 2013.
« Nous bénéficions de l’explosion du segment des petites voitures citadines, prisées par une classe moyenne angolaise qui pourrait tripler d’ici à 2040 », se réjouit le directeur de la marque, pas peu fier d’avoir imposé Renault dans un territoire « jadis dominé par Toyota à près de 80 % ».
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« Les véhicules du programme Entry [gamme Dacia au Maghreb et en Europe], pensés pour les pays émergents, ont vite été adoptés par la classe moyenne urbaine, se réjouit José Almeida. Ils se sont révélés plus compétitifs sur le marché que des modèles plus classiques comme Clio ou Mégane, que nous vendions à notre démarrage. »
Cas unique
Du fait de sa progression, Renault détient 7,5 % du marché. Une belle performance pour la marque au sud du Sahara, où elle est plutôt faible – à la rare exception de la Côte d’Ivoire, dont elle détient 12 % du marché avec seulement 855 voitures vendues. Son taux de pénétration est de 5,4 % au Sénégal et de 2,3 % en Afrique du Sud. En Angola, Renault est même passé devant son partenaire Nissan, qui détenait 6,1 % du marché en 2013. Jean-Christophe Kugler, directeur de la région Euromed-Afrique de Renault, a inclus le pays parmi les « cibles prioritaires » de son groupe sur le continent avec le Nigeria, le Kenya et le Ghana, où il se fixe pour objectif « d’atteindre 10 % de parts de marché », confiait-il à Jeune Afrique en juin.
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Les ventes angolaises, en hausse de 34 % par rapport à 2012, sont dopées par les pétrodollars qui ont afflué dans le pays après la guerre, avec d’importants achats de véhicules de la part des groupes pétroliers, de leurs salariés et du secteur public. Mais pas seulement.
« Le marché a été favorisé par l’interdiction d’importations de véhicules de plus de trois ans pour les voitures et de cinq ans pour les camions. Une mesure mise en place par l’État en 2010 et strictement appliquée, avec des contrôles par la douane aux points d’entrée du pays », explique Luis Moita Santos, conseiller au ministère des Transports.
Force est de constater que le spectacle des avenues embouteillées de Luanda n’a pas grand-chose à voir avec celles de Kinshasa, Lagos ou Dakar, où les épaves roulantes sont légion.
La RD Congo, le Nigeria ou le Sénégal ont bien mis en place le même type de réglementation, mais elles sont dans les faits très peu respectées. « Comme la réglementation est récente, il y a encore peu de véhicules d’occasion disponibles à la vente, mais ce marché est en train de naître, et nous comptons bien l’investir », précise José Almeida, le directeur des marques Renault et Nissan chez le concessionnaire TDA.
Cet engouement de l’état-major du constructeur français s’explique aussi par la taille du marché angolais, autrement plus alléchante qu’ailleurs au sud du Sahara (lire encadré). En volume, il pèse à lui seul 35 740 véhicules vendus en 2013 par les distributeurs agréés, un chiffre en hausse de 34 % par rapport à 2012, selon le ministère des Transports. À titre de comparaison, cela représente les deux tiers des quelque 45 000 véhicules neufs écoulés dans toute l’Afrique subsaharienne francophone, qui n’a pas connu un tel boom.
Pièces détachées
Dans ce contexte, José Almeida espère atteindre en 2014 la barre des 3 500 véhicules badgés Renault en Angola. Mais il aura fort à faire pour résister aux autres entreprises automobiles qui lorgnent ce marché attractif.
Le coréen Hyundai, leader du marché (17,2 % des ventes), a le vent en poupe avec sa petite citadine i10. Son challenger, Toyota, qui détient 13,8 % du marché, a perdu du terrain ces cinq dernières années mais domine toujours le segment des 4×4 avec son pick-up Hilux. Et compte sur ses nouveaux petits modèles citadins pour damer le pion à Renault. La marque au losange compte notamment sur ses performances logistiques et son service après-vente pour résister et continuer sur sa lancée.
TDA mise aussi sur sa boutique de pièces détachées, qui est dotée d’un magasin immense en sous-sol, pour attirer la clientèle des importateurs non officiels. « Ces consommateurs ne disposent pas de la garantie du constructeur, mais ils apprennent à nous connaître au premier souci technique. Généralement, avec des voitures non « tropicalisées » [techniquement adaptées au marché local], le problème technique survient rapidement, ce qui nous sert d’argument de vente pour leur prochain véhicule », s’amuse José Almeida.
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